Le CRIF en action
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Publié le 10 Septembre 2013

Discours prononcé par Me Ariel Goldmann, Vice-Président du CRIF et du FSJU, lors de la cérémonie du dimanche 8 septembre 2013 au Cimetière de Bagneux

Nous voici réunis dans ce cimetière de Bagneux comme chaque année, pour célébrer la mémoire de nos disparus, et notamment de ceux qui n’ont pas connu de sépulture.

 

La tradition juive veut en effet que chaque année, entre Roch Hachana et Kippour nous nous rendions dans les cimetières pour rendre hommage à nos proches.

 

Nous qui avons la chance d’avoir toujours connu la liberté dans une France Libre, réveillons nous

Parmi ceux que nous ne pouvons que considérer comme nos proches, nos frères et sœurs qui par millions périrent dans les chambres à Gaz par la volonté criminelle des nazis et la complicité ici de l’État français.

                                                                 

C’était il y a 70 ans. L’Europe était submergée par  l’horreur de la Shoah, l’anéantissement de la moitié des Juifs d’Europe, la disparition du tiers des Juifs du monde.

 

Comment ne pas penser à tous ceux que nos familles n’ont pas pu connaître : grands-parents,  oncles, tantes, cousins,  cousines, qui resteront pour l’éternité des sans visages !!

 

Je pense à tous ces villages de Pologne que bon nombre de juifs, au rang desquels mes propres grands-parents,  avaient quitté dans les années trente pour fuir l’antisémitisme et la misère, et pour rejoindre le pays des droits de l’homme.

 

Roger Cukierman, qui est retourné là-bas a raconté qu’il avait été perturbé par le fait de trouver un village intact, des maisons, des hommes, des femmes.

 

Il y avait le cadre, mais l’âme manquait.

 

Sa capacité d’imagination était insuffisante. Comment retrouver dans ce cinéma la synagogue de ses parents ? Et dans ces murs froids, la vie des êtres chers ?

 

Les Juifs de France ont aussi subi leur lot de douleurs et de souffrances.

 

Le gouvernement de la France de Pétain n’a pas hésité à collaborer avec les nazis, à transformer les Juifs en gibier, à procéder à de nombreuses rafles, et à livrer les Juifs à la même fin tragique.

 

Il y avait parmi eux une foule d’enfants qui auraient pu à leur tour éclairer l’humanité en devenant musiciens,  chercheurs ou écrivains.

 

Ces  enfants ont été anéantis, comme l’ont été avec eux les enfants et petits enfants, qu’ils auraient eus, si des sauvages n’avaient pas également interrompu le cours des choses.

 

Dans très peu d’années, il n’y aura plus de survivants pour témoigner, mais nous serons là pour commémorer.

 

Ma génération a une responsabilité historique au regard de ces évènements : elle sera la dernière à avoir entendu directement les témoignages des survivants.

 

Ils ne sont plus aujourd’hui que quelques centaines. Pour eux, un bruit, une senteur, une image, un numéro, un aboiement, un train, un hurlement, tout peut rappeler l’horreur du passé.

 

 

Heureusement en France, une autre France, par ses sacrifices, son courage, son amour du prochain et sa croyance en un D… unique a relevé le défi et a su s’illustrer dans la résistance, la clandestinité, l’hébergement et la protection des juifs traqués.

 

C’est cette France dont nous voulons nous souvenir, cette France à qui va notre reconnaissance et dont nous associons les héros et les morts au culte de nos propres morts.

 

Et puisque nous parlons d’héroïsme, comment ne pas évoquer les héros de la révolte du Ghetto de Varsovie dont le combat sans espoir donna une nouvelle dimension au peuple juif.

 

Un peuple qui dorénavant dira « NON », un peuple pour lequel la dignité humaine vaut tous les sacrifices et qui le prouvera.

 

Souvenons-nous !

 

Souvenons-nous, non pour haïr pu entretenir de vieilles querelles, mais pour être vigilants, pour dénoncer et poursuivre sans relâche toute résurgence du racisme et de l’antisémitisme, qu’il provienne de l’extrême droite, de l’extrême gauche, ou de l’islam radical.

 

Il y a quelques semaines la Chancelière allemande se rendait par la première fois (pour elle comme pour tout Chancelier depuis la Guerre) à Dachau.

 

Chez nous tout le monde a encore en mémoire le discours si fort du Président HOLLANDE à l’emplacement du Vel d’Hiv en juillet 2012.

 

À notre tour, vous témoins directs qui êtes encore vivants,   nous qui avons la chance d’avoir toujours connu la liberté dans une France Libre, réveillons nous (comme le son du Chofar nous invite à le faire) en évoquant la mémoire de tous ceux, et de toutes celles, qui vécurent des heures d’angoisse et de souffrance avant leur départ pour la mort.

 

Mort qu’ils affrontèrent, croyants ou non croyants, pour la sanctification du Nom Saint, Al Kidouch Hachem.

 

Ariel Goldmann

Vice Président du CRIF et du FSJU