Le CRIF en action
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Publié le 15 Mars 2012

Le dîner du CRIF Toulouse Midi-Pyrénées

« Un succès ». Si vous n’étiez pas au dîner du CRIF Toulouse Midi-Pyrénées, voilà ce que vous devez en retenir. Près de 400 convives étaient présents pour honorer la présence de Jean-Pierre Bel, Président du Sénat et invité d’honneur de cet événement dont on dit dans la région qu’il fera date en Midi-Pyrénées.

Dreyfus est toujours d’actualité, entre ceux qui considèrent les juifs comme des citoyens et ceux qui préjugés à l’appui, les considèrent comme les apôtres de l’impérialisme

L’immense majorité de la classe politique, de nombreux acteurs importants de la société civile, des représentants de l’Etat, de l’Education Nationale, un grand nombre de coreligionnaires, étaient présents à la Médiathèque José Cabanis le 1er mars pour un vrai dîner républicain.

 

Ce soir-là, le Président National du CRIF Richard Prasquier a remis le prix du CRIF à Jean-Pierre Plancade, Sénateur de la Haute-Garonne, Président du groupe France-Israël au Sénat.

 

Le Président de Région Martin Malvy fut le récipiendaire du Prix du CRIF remis pour l’ensemble de ses actions en Midi-Pyrénées. Daniel Abehsera, Président de la Chambre de Commerce France-Israël Midi-Pyrénées rendit hommage à Claude Terrazzoni ancien Président de la Chambre de Commerce et d’industrie de Midi-Pyrénées fondateur avec Arié Bensemhoun de la Chambre de Commerce France-Israël Midi-Pyrénées.

 

Lors de son discours, Nicole Yardeni, Présidente du CRIF Toulouse Midi-Pyrénées n’a pas manqué de saluer l’ensemble de la classe politique qui était présente, tout en insistant sur la nécessité de défendre le pacte républicain.

 

Ce discours de circonstance s’est terminé par son constat : « on dit parfois des Juifs qu’ils sont les déboires du monde, trop souvent qu’ils sont le pouvoir du monde, mais, en réalité, ils sont toujours le miroir du monde ».

 

Marc Sztulman

Secrétaire Général du CRIF Toulouse Midi-Pyrénées

 

 

Allocution de Nicole Yardeni

 

Monsieur le Président du Sénat,

 

Merci de nous honorer de votre présence.

 

Vous exercez une des fonctions les plus éminentes de l’Etat et représentez avec vos collègues cette République des Territoires si chère aux cœurs des habitants de notre région qui est aussi la vôtre.

 

A la veille d’échéances politiques importantes, votre venue nous permet de recevoir pour ce dîner républicain, l’ensemble des autorités civiles, militaires et religieuses ainsi que des hommes et des femmes déjà élus de nos villes, de nos départements, de notre région ou qui le deviendront.

 

De nombreux acteurs de la société civile, du monde culturel et économique ainsi que des représentants de certains pays étrangers à Toulouse, ville de plus en plus internationale, nous ont fait l’amitié de nous rejoindre.

 

Etre juif signifie une présence dans l’histoire du monde singulière. Une attention très forte à l’actualité vivante en est un aspect essentiel.

 

Il y a un peu plus d’un an, nous avons tous fait un rêve : celui d’une mer Méditerranée bordée de pays tous démocratiques. Nous avons assisté à la chute de plusieurs autocrates en Tunisie, en Egypte, en Libye, au Yémen, du sang a coulé.

 

Certains gouvernements comme à Bahreïn ont réussi à mater les révoltes. D’autres comme le Maroc ont mis en place des réformes. La majorité n’a hélas rien changé.

 

Ce que nous observons, nous l’avions sans doute un peu oublié c’est que la mise en place d’institutions démocratiques est un très long processus. Ce chemin est parsemé d’embûches, de tension, de violence, de retour en arrière. La démocratie ne se décrète pas, elle s’expose à l’épreuve, car nous ne naissons pas démocrates,  nous le devenons. Et c’est à l’aune de la place faite aux femmes, aux minorités que nous pouvons juger de la qualité d’une démocratie.

 

Même si la tentation est grande, ne soyons pas trop prompts à juger, le recul des libertés, la disparition d’une éphémère  société civile, il nous a fallu plusieurs siècles pour arriver à nos institutions, nous ne pouvons que souhaiter qu’ici leurs  délais soient plus courts.

 

Nous savons que les conflits internes d’identité, de légitimité des pouvoirs continueront encore de longues années dans ces différents pays, avec des conséquences qui  peuvent parfois nous inquiéter.

 

Un nouveau printemps arrive et en Syrie se joue un nouvel acte d’une violence rare, un acte furieux, effrayant,  où le monde impuissant essaie d’exfiltrer quelques journalistes, à défaut de sauver les civils.

 

C’est sur le chemin de Damas que se fabrique le Moyen-Orient des 50 prochaines années, le recours gratuit à la violence contre les aspirations démocratiques d’un peuple martyrisé, la liberté de pensée contre l’intégrisme, la défense des minorités contre la tyrannie de la majorité.

 

Cependant, le centre ne doit pas faire oublier les tumultes du cyclone, depuis l’assassinat de ses propres citoyens par un dictateur qui sait que, dans cette région, c’est le pouvoir ou la mort.

 

Jusqu’à la guerre froide que se livre l’Arabie Saoudite sunnite et l’Iran chiite. Sans compter les intérêts russes, chinois, turcs, occidentaux ou ceux du Hezbollah, du Hamas ou du Jihad islamique. La liste est longue. Si on y ajoute la course à l’arme nucléaire, ce serait un Armagedon.

 

Depuis près de 64 ans, et pour la France plus particulièrement depuis la fin de la guerre d’Algérie, on nous répète  que l’instabilité de cette région, et même du monde vient du conflit israélo-arabe, et plus particulièrement du conflit israélo-palestinien. Etrange détournement de la vérité. Le 9 novembre 1947, à l’ONU était votée la naissance de deux états.

 

Les Israéliens acceptèrent cette proposition, les pays arabes existants alors la refusèrent. Israël est né, démocratique, et malgré les guerres, malgré les immenses difficultés l’est demeuré.

 

Puisse ce très petit pays, ô combien démocratique, être un jour entouré de voisins qui le soient aussi.

 

Etre Français et juif signifie défendre le pacte républicain contre toutes les formes d’extrémismes.

 

Car nous savons ce que les Juifs de France doivent à la promesse républicaine, ce qu’ils doivent à la France : premier pays d’Europe à avoir fait des Juifs des citoyens.

 

Les Juifs sont républicains, car nous croyons que la liberté est précieuse qu’elle concerne l’économie, le culte, l’éducation ou la pensée.

 

Les juifs sont républicains, car nous savons que l’égalité mérite d’être défendue, qu’en assurant l’égalité des droits, l’on assure l’égalité des hommes.

 

Les juifs sont républicains, car nous sommes particulièrement sensibles à ce qui divise, aux discours manipulant peurs et sentiment d’humiliation. Qu’il s’agisse de nous faire croire que nous sommes un village gaulois assiégé ou bien de fournir une patrie symbolique à ceux qui ont le sentiment de ne pas en avoir. Je parle ici du risque à ajouter un malheur identitaire au malaise social en faisant par exemple de la Palestine la seule noble cause à défendre dans des quartiers où ce qui manque c’est le fait de pouvoir mener une vie digne grâce à son travail, grâce à son éducation, grâce à des structures familiales et sociales solides et tolérantes.

 

Les juifs sont républicains, car la laïcité a permis notre épanouissement. La loi de 1905 a organisé la vie sociale dans notre pays afin qu’aucune religion n’influe sur l’Etat. Nous y sommes attachés. Elle permet de concilier la diversité des croyances avec l’égalité des droits. La laïcité n’est pas le degré zéro des convictions, elle parie sur des hommes libres capables de concorde authentique. Selon Régis Debray « le principe de laïcité place la liberté de conscience (celle d’avoir ou non une religion) en amont et au-dessus de ce qu’on appelle dans certains pays la liberté religieuse. »

 

En ce sens, la laïcité n’est pas une option spirituelle parmi d’autres, elle est ce qui rend possible leurs existences, car ce qui est commun en droit à tous les hommes doit avoir le pas sur ce qui les sépare en fait… Le temps paraît maintenant venu du passage d’une laïcité d’incompétence à une laïcité d’intelligence ».

 

Enfin, les Juifs sont républicains, car la fraternité, c’est accepter et aider l’autre non pas au nom des bons sentiments, mais, parce qu’il est comme nous l’essence même de notre Pays.

 

Toute l’histoire juive tend vers ces valeurs. A la place qui est la nôtre dans cette France, que nous aimons et où nous sommes présents depuis deux millénaires, nous continuerons de travailler, de dialoguer, d’assumer la complexité des choses. Nous ne laisserons pas l’irrationnel diriger nos actions. Nous le ferons avec tous ceux qui nous respectent et qui ne font pas de nous ni en tant qu’individus ni en tant que groupe des objets.

 

Transcender le passé, dépasser le ressentiment, la colère, la douleur requiert une forme de discipline ainsi qu’une identité forte et une immense foi en la vie. Après Auschwitz, nous nous y sommes astreints et avons rencontré sur le chemin de nombreuses mains tendues, même s’il demeure encore beaucoup à faire, y compris sur notre continent.

 

On peut dire d’Auschwitz qu’il s’agit d’une des pierres angulaires de la construction européenne, construction que nous espérons voir continuer afin que se poursuive ce projet extraordinaire permettant de dépasser les terribles rivalités qui ont été à la source de trop d’horreurs. Permettre à l’Europe de jouer un rôle politique majeur en ces temps difficiles, de porter des valeurs morales même si parfois on pourrait regretter que certains ne soient pas prêts à les défendre, y compris lorsqu’il le faut par une certaine fermeté, ceci nous semble fondamental. Permettez-moi, Monsieur le Président du Sénat, de m’adresser à ceux qui ont la responsabilité de notre région.

 

En premier lieu, nous aimerions, Monsieur le Préfet, vous dire combien nous sommes touchés de la manière avec laquelle les questions de sécurité au sens large sont prises en compte par tous vos services. Nous sommes conscients depuis maintenant près de 10 ans de l’écoute que nous rencontrons auprès de vous et de vos prédécesseurs. Les années 2000 n’ont pas toujours été faciles du point de vue de l’expression de l’identité juive dans ses différents aspects, mais l’Etat a toujours répondu présent.

 

Nous savons aussi la Justice attentive à ces questions, touchant à toutes les composantes de ce qui constitue un individu, une société.

 

Nous retrouvons cette écoute auprès de nombre d’élus. Parmi les projets que nous avons porté, que nous portons ou que portent des associations qui nous sont proches, il y a eu le monument à la Mémoire de la Shoah qui n’aurait jamais vu le jour sans le Conseil Régional Midi-Pyrénées, le Conseil Général de la Haute-Garonne, la Mairie de Toulouse et les responsables de l’Education nationale.

 

Sur les questions de mémoire, nous savons pouvoir toujours compter sur Pierre Izard – Président du Conseil Général de la Haute-Garonne représenté ici par Mme Marie-Christine Lafforgue.

 

Le travail réalisé au Musée de la Résistance et de la Déportation où vient de se terminer l’exposition « La Shoah par balle » en atteste. Comme par ailleurs les voyages vers l’est de l’Europe organisés dans le cadre du « concours de la Résistance ». La défense de la mémoire n’est pas uniquement la défense de notre mémoire. Nous travaillons aux côtés des républicains espagnols à la sauvegarde des Mémoires à Noé.

 

Nous sommes très heureux que notre centre culturel : L’Espace du Judaïsme, qui a reçu l’appui des collectivités puisse par ses programmes honorer cette confiance. Nos actions caritatives se voient reconnues très largement, de même que nos écoles.

 

Depuis votre élection, Monsieur le Président de Région nous avons pu apprécier votre vision de ce qu’est gouverner, tâche que nous savons immensément difficile. Nous trouvons toujours chez vous une écoute très juste sur toutes les questions qui peuvent nous préoccuper. Vous ne nous avez jamais manqué, soyez-en sincèrement remercié.

 

Monsieur le Maire, vous nous avez reçus très chaleureusement afin que nous puissions travailler au cinquantenaire du jumelage de Toulouse avec une des villes les plus créatives du monde : Tel-Aviv, dont le maire sera votre invité le 9 juillet pour une soirée que nous espérons la plus fraternelle possible, baignée de musique et d’amitié.

 

Il y a ici nombre d’associations, nombre d’institutions avec qui, notre dialogue est formidablement fécond. Leurs représentants sont des amis qui nous permettent d’aller plus loin dans ce qui constitue un bien si précieux : la relation humaine.

 

Nous n’avons pas toujours des échanges de cette qualité. Malheureusement, à Toulouse, en Midi-Pyrénées comme ailleurs, il arrive que nous soyons interpellés, que nous soyons mis en accusation, ou que des préjugés nauséabonds soient manipulés afin de nous mettre à l’écart le plus souvent parce que nous souhaitons simplement qu’Israël vive. L’affrontement entre Jules Guesde et Jean Jaurès autour de l’affaire Dreyfus est toujours d’actualité, entre ceux qui considèrent les juifs comme des citoyens et ceux qui préjugés à l’appui, les considèrent comme les apôtres de l’impérialisme. Ce point de  rupture entre « les gardiens de la vieille maison » et les extrêmes exprime toute la tension dans laquelle se trouve tous les partis politiques et révèle ce qui doit maintenir intact le pacte républicain.

 

Monsieur le Président du Sénat,

 

Votre présence ce soir nous assure qu’il y a plus de lumière que d’ombres dans ce lien qui nous unit à la France. Soyez-en profondément remercié.

 

Monsieur le Président du Sénat, on dit parfois des Juifs qu’ils sont les déboires du monde, trop souvent qu’ils sont le pouvoir du monde, mais, en réalité, ils sont toujours …le miroir du monde.

 

Nicole Yardeni

Présidente du CRIF Toulouse Midi-Pyrénées