Le CRIF en action
|
Publié le 23 Avril 2013

Singuliers, pluriels et ensemble

 

Deux moments informels à l'occasion de 70e anniversaire de la révolte du Ghetto de Varsovie.

 

Il est minuit, la nuit cache les immeubles datant de l'ère communiste qui entourent la place où se dresse le Monument aux Héros de la Révolte du Ghetto. Les flammes des deux chandeliers de pierre noire qui encadrent l'oeuvre sombre de Nathan Rappoport, éclairent la scène, s'y ajoutent quelques projecteurs de la télévision polonaise. Derrière nous, l'architecture claire du nouveau Musée de l'Histoire des Juifs de Pologne dont le béton ressemble à la pierre de Jérusalem dessine un rectangle traversé par une ouverture lumineuse qui rappelle un passage entre deux massifs rocheux dans le désert du Sinaï.

 

C'est un moment sans protocole officiel, une cérémonie de deuil sans rituel religieux, qui marque l'anniversaire du 19 avril 1943, le jour où les troupes du SS-Gruppenfürher Jürgen Stroop entrèrent dans le ghetto pour le liquider et se heurtèrent à la résistance de Mordehaï Anilevitch et des siens.

 

Le concert au Grand Théâtre National est terminé depuis deux heures, mais le chef d'orchestre Zubin Mehta est là avec les musiciens du Philarmonique d'Israël. Seuls le violon solo et un clarinettiste jouent, musique classique et nigoun ashkénaze se succèdent. Un jeune Hazan ultra-orthodoxe américain chante "Papirossen". On écoute Samuel Pisar qui évoque les événements de ce printemps 43, lui qui se trouvait dans un autre ghetto, à Bialstok. L'ambassadeur d'Israël, en polonais puis en anglais, compare l'esprit qui animait les combattants de la guerre d'indépendance d'Israël à celui des insurgés du ghetto.

 

Et puis, il y a les membres de la communauté juive varsovienne d'aujourd'hui qui s'expriment. En fait, c'est leur moment.

 

Comme ils le racontent en privé, il y a 20 ans, on ne disait pas qu'on était  juif, il y a 10 ans, on ne le disait qu'à des amis proches, aujourd'hui on peut en être fier. Bien sûr, il reste un long chemin à parcourir avec les Polonais non-juifs dans un pays à 98% blanc et catholique.

 

Ce n'est pas seulement notre passé que nous venons chercher à l'est de l'Europe, notre présence et notre soutien doivent permettre à ceux qui après la Shoah et le régime totalitaire communiste souhaitent écrire au présent une page de l'histoire juive de le faire, malgré les obstacles, malgré les questions, malgré les incertitudes.

 

Ils portent cette identité si singulière qu'est l'identité juive, à la fois forte,plurielle et indéfinissable.

 

C'est cette diversité, cette fois-ci, celle des juifs français que nous avons partagée le lendemain soir lors d'un repas shabbatique organisé par l'UEJF. Les convives étaient d'âges différents, de traditions différentes, certains se reconnaissaient dans la transmission synagogale, d'autres dans le savoir universitaire, le militantisme, le témoignage ou la dimension culturelle du judaïsme.

 

Nous étions pourtant parfaitement ensemble avec de plus, les présences improbables d'un français de Varsovie, profondément catholique, d'un journaliste parisien originaire d'Algérie, musulman laïque et d'une jeune Polonaise non-juive qui lutte pour que ne triomphent pas la haine xénophobe, la haine antisémite, les idées extrémistes, la pensée totalitaire.

 

Ce combat, nous avons à le mener ensemble, au-delà de nos différences, en s'écoutant, en donnant à chacun la considération qui lui revient, sans juger.

 

C'est aussi cela que ce voyage à deux heures de Paris permet de rencontrer.

70 ans après ce qui devait être une fin, nous avons toujours à apprendre de la présence juive à Varsovie.

 

Nicole Yardeni

Présidente du CRIF Toulouse-Midi-Pyrénées

 

 

En illustration : Samuel Willenberg, survivant de Treblinka ( entre de Gche à Dte, l'ambassadeur M. Barry de Longchamps, M. Mohamed Sifaoui et Richard Prasquier)