La SNCF a opéré les transports depuis les camps d’internement, le plus souvent Drancy, jusqu’à la frontière allemande. Mais elle n’a évidemment pas poursuivi son activité, une fois que le train avait traversé la frontière avec l’Allemagne. Les suggestions que ses agents évacuaient des wagons pleins de cadavres à l’arrivée à Auschwitz sont fausses.
La SNCF a été aussi responsable des transports de Juifs à l’intérieur de la France, depuis les lieux où ils avaient été arrêtés ou internés jusqu’au camp de Drancy.
La plupart des témoignages relatent des conditions de transport très difficiles et souvent abjectes: en outre, ces transports, pour lesquels la SNCF avait été régulièrement payée, n’ont pratiquement donné lieu à aucune opération de sabotage destinée à retarder ou empêcher la déportation.
On signale, parmi les cheminots, un cas isolé de Juste parmi les Nations, Léon Branchart, héros de la résistance. Cependant, ce sont des cheminots qui ont envoyé spontanément à leurs destinataires des lettres griffonnées par les déportés pendant les arrêts. Ce ne sont pas là des comportements de nazis.
Les conditions de transport, ainsi que l’absence de protestation des dirigeants de la société contre le «travail» qu’on leur faisait faire constituent les plus importantes récriminations des survivants envers la SNCF.
Le CRIF considère que ces récriminations sont justifiées, mais que, pour autant, les actions de la SNCF ne peuvent être qualifiées de « crime contre l’humanité ». La SNCF était en état de réquisition et le degré d’autonomie de ses agents, qui mérite d’être mieux étudié, était limité. Elle a été un rouage dans la diabolique machinerie nazie et elle n’a pas cherché à savoir ce qu’il advenait des malheureux qu’elle transportait dans des wagons à bestiaux.
Le Président Pépy a exprimé le 25 janvier 2011 ses regrets pour ces actions. La SNCF s’est engagée à faciliter l’accès à ses archives pour que la lumière soit faite. Leur récente numérisation devrait faciliter ce travail important, et compléter ce qu’on connaissait jusqu’à maintenant. La SNCF s’est engagée à cet effort de clarté et de transparence ainsi qu’au développement d’activités pédagogiques et d’éducation pour les générations futures. Nous pensons que ce programme répond mieux aux exigences de notre temps et à la lutte nécessaire contre l’antisémitisme que des réclamations pécuniaires qui, 70 ans plus tard, alimentent les incompréhensions et les suspicions. Avec d’autres, nous saurons le surveiller.
Il a été d’autant plus difficile pour la SNCF de se confronter à ce passé où elle avait transporté des Juifs dont les destinations ultimes étaient les camps d’extermination, que cette entreprise s’était conduite de façon héroïque pendant la dernière partie de la guerre. On considère que les actions de sabotage des trains ont puissamment contribué au succès du débarquement allié, c’est-à-dire en grande partie américain. 2000 cheminots ont trouvé la mort pour des faits de résistance. Cela non plus ne doit pas être oublié.
La complexité de l’activité de la SNCF doit servir de base à une réflexion sur l’obéissance et la responsabilité des agents. Pour ce faire, le CRIF pense qu’aujourd’hui nous sommes plutôt au temps des historiens qu’à celui des juges.
Richard Prasquier
Président du CRIF
Photo : D.R.