Extraits de son blog :
« Après beaucoup de Français dont j'ai lu les témoignages sur différents sites internet, j'ai fait l'expérience dite de la Carte d'Identité (nationale?...). J'avais souhaité la faire refaire pour qu'elle témoigne de mon changement d'adresse dans Paris. Stupide démarche, car elle était valable jusqu'en 2017, mais très instructive expérience (…)
Il y a un mois, de passage à Paris pour 48h, je suis allée dans une des annexes de la Préfecture de Police faire les démarches nécessaires. Munie (…) des documents dont le site de référence demande de se munir. Procédure habituelle donc à travers les dédales administratifs où l'accueil n'est pas toujours chaleureux dans ces temps où notre identité est questionnée…
(…) Lorsque mon tour vient, le monsieur derrière le guichet remarque que je suis née à l'étranger et me demande non pas si mes parents sont Français, mais si mes quatre grands-parents le sont: je lui fais reposer la question tant elle me semble maladroite, sinon ahurissante. A l'évidence, il cherchait seulement à savoir de quel côté familial il me fallait apporter la preuve de ma nationalité…
Il me précise en effet que depuis 2009, il me faut un document supplémentaire, un extrait de naissance de mon père ou de ma mère, qui puisse prouver ma francité. Je lui rétorque que, sur mon extrait de naissance, il est bien écrit que je suis née de Monsieur Robert S. né à Paris et de Madame Micheline R. née elle aussi à Paris. Et si donc, je ne suis pas française par le sol (car j'ai commis l'erreur de naître hors de France), je le suis par filiation et que cet extrait de naissance le prouve. J'ajoute que je demande un renouvellement de ma carte d'identité, toujours valable, et qu'il a donc sous les yeux les preuves de ma nationalité qui, depuis quelques décennies, n'a d'ailleurs jamais été contestée. Intraitable, il veut me renvoyer chercher le papier qui me manque. Exaspérée et ne disposant que de quelques heures à Paris, je reprends mon dossier, mes photos, ma naissance suspecte et je repars.
Revenant cette semaine à Paris je me retrouve (…) munie cette fois de l'extrait de naissance de ma mère, née à Paris de parents français. La délicieuse dame souriante qui me reçoit, me le demande dès qu’elle constate que je suis née à l’étranger. Je répète que mon extrait de naissance a toujours suffi jusqu’à ce jour, qu'il indique la nationalité de mes parents, que je ne vois pas pourquoi on me demande de faire la preuve de ma nationalité sur trois générations, que c'est discriminatoire par rapport aux Français nés sur le territoire (il y aurait donc deux sortes de Français – les uns « plus français » que les autres ?), que ma carte d'identité toujours valable n'est pas frauduleuse, que si la France la conteste, qu’elle fasse donc la preuve de ma mauvaise foi; bref, je lui ressors mon discours.
La pauvre, elle a dû déjà l'entendre des dizaines de fois cette histoire ! Venant de gens moins bien lotis que moi, ayant moins de temps, une vie plus mouvementée ou plus de difficultés à obtenir un extrait de naissance de leurs parents ! (…) Et c'est toujours souriante, qu'elle m’explique que c'est le règlement, la loi, une nouvelle disposition, pour avoir une « double preuve ». Mais pourquoi pas une troisième, dis-je, une quatrième? Jusqu'à combien de générations de Français faut-il remonter pour désormais apporter la preuve d'une nationalité qui n'a jusqu'ici jamais été mise en doute? »
Je rage lorsque je lis le récit d’Anne Sinclair. Et, je trouve au fond que tout cela est bien vexant et humiliant.
Est-cela la France des années 2010 ?
Marc Knobel
Photo : D.R.