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Publié le 24 Décembre 2007

Mgr Guy Thomazeau, archevêque de Montpellier : «A certains égards, le CRIF est pour moi, l’exemple de ce que devrait être l’action dans le milieu associatif.»

Question : Monseigneur Thomazeau, vous êtes archevêque de Montpellier qui, avec la responsabilité de Cinq diocèses dans un Languedoc Roussillon où la présence de communautés juives s’est maintenue au cours des siècles. Pensez vous que ceci ait laissé des traces sur les mentalités actuelles ?


Réponse : C’est un constat historique, la communauté juive a essaimé depuis des temps très anciens au niveau de l’ensemble du bassin méditerranéen et donc en Languedoc Roussillon. La présence de communautés juives urbaines est très ancienne sur le littoral (dans des villes comme Perpignan, Montpellier) et aussi à l’intérieur comme à Pézenas. Il en est resté des traces en termes d’ouverture et de tradition d’accueil. C’est d’ailleurs bien plus que des traces ; c’est une sorte d’héritage culturel qui est entre nos mains. Il y a eu ici des époques très brillantes de dialogue interculturel. Dans ces communautés locales et dans celles qui sont proches du sillon rhodanien, Il y a eu des gens souvent très cultivés qui ont développé l’entraide entre les communautés. Au temps des Papes en Avignon, ces gens étaient des conseillers utiles dans bien des domaines. C’est donc une présence ancienne mais qui a perduré et qui est toujours identifiable quand on arrive, comme ce fut le cas pour moi qui n’était pas de cette région.
Question : Quelle est l’importance actuelle du dialogue entre les communautés ?
Réponse : J’ai toujours été sensible, vous le savez, au dialogue interreligieux. J’ai été durant des années, un des proches collaborateurs du cardinal Lustiger. Je dois dire qu’il m’a beaucoup aidé à mieux comprendre l’enjeu et la beauté du dialogue interreligieux. Il est un des artisans d’une expression qui traduit bien ce que j’ai dans le cœur quand il parle de la communauté juive comme de « nos aînés dans la foi ». Donc une relation d’origine commune, et plus que d’origine commune puisque la Thora fait partie pour nous, de notre Livre Saint.
Question : Vous avez été à Auschwitz avec de jeunes lycéens accompagnés par le CRIF Languedoc Roussillon, dans le cadre d’un voyage interreligieux organisé avec le Conseil Régional. Pensez vous qu’il soit important que des jeunes visitent les camps et participent aux débats sur le devoir de mémoire ?
Réponse : ce voyage est resté gravé dans ma mémoire. Je crois que cet enrichissement de la mémoire est très utile. J’avais dit que je souhaitais que cette mémoire soit la plus complète possible et que de tels voyages n’omettent jamais l’évocation de ce que vous appelez « les justes » et que nous appelons « les saints ». J’avais fait cette remarque parce qu’une telle visite peut être accablante pour des jeunes : les hommes ont été capables d’accomplir de tels actes ! Nous mettons donc sur leurs épaules ce poids de l’histoire. Il ne faut pas se voiler la face mais en même temps, nous devons montrer que la nuit n’est jamais privée d’étoiles et que, même à Auschwitz, il y a eu des justes, des saints, des personnes qui au milieu de cet enfer, faisaient régner la lumière de l’Eternel.
Question : L’évocation des justes est à présent permanente lors des commémorations. C’est important ?
Réponse : C’est le message du croyant : D. est avec nous même dans ces lieux les plus abominables où l’homme est capable d’être un loup pour l’homme. D. dans son éternel amour pour nous, n’a pas déserté notre terre. Cette lumière je peux en témoigner à travers mon propre itinéraire : J’ai été tellement sensible à Auschwitz, à ce qui était écrasant …à l’abominable …et au fait que cela n’a pas pu tuer ce qui est le plus à l’image de D. Il y a eu des témoins de l’Eternel, des hommes, des femmes, qui ont laissé leur vie …pour quelques uns que l’on connaît, combien d’inconnus ? C’est le message de Yad Vashem.
Question : Vous entretenez des relations régulières et amicales avec le CRIF régional ; Vous avez participé au premier dîner du CRIF en Languedoc Roussillon ; quelle est l’importance de ces échanges ?
Réponse : J’admire d’une certaine façon, la façon dont votre communauté sait s’organiser. Peut être est ce parce qu’elle a la conscience vive d’être minoritaire. A certains égards, le CRIF est pour moi, l’exemple de ce que devrait être l’action dans le milieu associatif. On n’a pas tout à fait l’équivalent au niveau catholique.
C’est vrai que je me suis rendu, à chaque fois que je l’ai pu, aux invitations du CRIF, par amitié, par intérêt pour ce que j’y apprenais dans les échanges. Les dîners et les rencontres du CRIF sont une des caractéristiques de votre action, car ils permettent que des personnes très diverses, ayant des responsabilités pour faire vivre le pays, puissent se retrouver. Je ne peux que constater qu’ils répondent massivement à votre invitation !
Question : Mgr Thomazeau, quelle est votre ambition pour les cinq diocèses du Languedoc Roussillon dont vous avez la charge ?
Réponse : Mon ambition est de faire connaître la bonté de D. et cela ne peut passer que d’homme à homme. Il faut donc des témoins et j’en suis un ; mon rôle dans la communauté catholique d’aujourd’hui est d’encourager tous ceux qui ont été touchés par la foi à la partager avec la jeunesse et pas seulement avec la jeunesse.
Propos recueillis par Perla Danan avec la collaboration de Marc Knobel