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Publié le 31 Août 2010

Marek Halter : «La Bible reste le livre de ma vie»

Écrivain, essayiste et cinéaste, chantre de l’histoire et de l’identité juives, infatigable défenseur de la paix, Marek Halter sera à Metz mercredi 1er septembre 2010, pour le lancement des Journées européennes de la culture juive. Il répond à cette occasion aux questions du Républicain Lorrain.




« Histoires du peuple juif » (Arthaud), votre dernier ouvrage, utilise le pluriel dans son titre. Pourquoi ?



Marek Halter : « N’étant pas historien, je n’ai pas voulu faire croire à mes lecteurs que je leur proposais une histoire de plus du peuple juif. Comme les auteurs de la Bible, j’ai plutôt voulu raconter des histoires qui nous parlent, à nous, contemporains. À travers elles, j’essaie de répondre à trois questions : comment le peuple juif s’est-il constitué et a-t-il traversé les siècles ? Pourquoi les juifs fascinent-ils ? Pourquoi la haine ? »



Le peuple juif est le seul du monde antique à avoir atteint le monde moderne sans perdre sa Loi et son identité. Comment l’expliquer ?
« Chateaubriand, déjà, s’était posé cette question dans un petit livre magnifique, « L’itinéraire de Paris à Jérusalem ». Il y explique que le peuple juif est le seul à être enraciné non seulement dans une terre mais aussi dans le Livre. Les peuples enracinés dans une terre sont comme une plante : vous les arrachez, ils meurent. Un livre, vous le transportez. Avec lui, vous traversez les frontières. Ce n’est pas un hasard si tous ceux qui ont voulu la mort des juifs ont commencé par brûler leurs livres. »



La Bible reste-t-elle le livre de votre vie ?



« Oui, parce que c’est LE livre de la vie. Dans la Bible, il n’y a pas de saints, il n’y a que des hommes et des femmes comme vous et moi qui font du bien et du mal, qui se jalousent, s’entre-tuent et le regrettent. C’est peut-être le seul livre religieux où se meuvent des personnages auxquels nous pouvons nous identifier. »



Vous avez consacré un livre à Marie. Que retenez-vous de la mère de Jésus ?



« Parmi tous les personnages féminins de la Bible, elle est sans doute le plus émouvant, le plus tragique. Marie est, selon moi, la première mère juive, au sens woody allenien du terme ! Marie est une mère possessive, qui trace le chemin de son fils, qui croit en lui et le voit comme libérateur du peuple juif. Mieux : elle voit en lui le libérateur de toute l’Humanité. Quelle ambition ! Quelle foi ! »



Quelle place les femmes occupent-elles dans votre œuvre ? Dans le monde ?



« La femme n’est pas seulement la génitrice, elle n’est pas seulement le moteur et l’ambition de l’homme, elle est le miroir de l’Humanité. Là où on la persécute, l’Humanité apparaît grimaçante, laide, terrorisante. »



Vous avez signé la pétition de BHL pour Sakineh, cette Iranienne condamnée à mort par lapidation…



« Oui. Il ne s’agit pas seulement ici d’une femme mais de ces millions de femmes qui sont traitées comme des bêtes, aujourd’hui encore. Les femmes sont le thermomètre d’humanité de l’Humanité. Nous pouvons dire à chaque gouvernement : " Montrez-nous comment vous traitez les femmes et nous vous dirons qui vous êtes.". »



Que vous inspire le démantèlement des campements de Roms ? Certaines formules telles que « rafle » ou « gestapo » sont-elles hasardeuses ?



« Que ce soit clair : dès que l’on touche à un groupe humain en le chargeant de méfaits, je crie au secours ! Pas seulement pour protéger les innocents mais pour nous protéger de ce racisme latent qui demeure en chacun de nous. Mais n’utilisons pas des mots aussi chargés que " rafle " ou " gestapo ". On n’en est pas là, Dieu merci ! »



Qu’avez-vous appris du monde ?



« Curieusement, j’ai appris l’essentiel tout au début. En fuyant Varsovie, en survivant à la famine dans le lointain Ouzbékistan. Ce que j’ai appris par la suite en lisant, en écoutant et aussi en écrivant, c’est d’abord à me battre pour plus de justice et pour préserver ma part d’humanité. »



Photo : D.R.