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Publié le 17 Mars 2011

Nicolas Sarkozy : «Personne aujourd'hui ne peut sérieusement soutenir que le programme d'enrichissement de l'uranium iranien est à des fins pacifiques»

Dans un entretien avec l’hebdomadaire brésilien VEJA publié le 12 mars 2011, le président de la République Nicolas Sarkozy s’est exprimé sur les révoltes du monde arabe, sur la Turquie, sur l’Iran, mais aussi sur le conflit israélo-palestinien. Extraits :




Dans quelles mesures les révoltes populaires en Afrique du Nord peuvent-elles aboutir à la mise en place de gouvernements antioccidentaux et quelles peuvent en être les conséquences pour la région ?



Ce qui se passe dans le monde arabe est historique. Ces révolutions arabes sont admirables parce qu'elles sont authentiques. Sans l'aide de quiconque, avec un courage inouï, ces peuples ont pris en main leur destin et renversé des régimes qu'ils rejetaient. Et ils l'ont fait au nom des valeurs qui nous sont les plus chères : la liberté, la démocratie, la justice, les droits de l'Homme. Pour la première fois dans l'Histoire, ces valeurs peuvent triompher des deux côtés de la Méditerranée.



Ces révolutions, nous ne devons pas en avoir peur. Bien sûr, personne ne peut dire avec certitude ce qui va se passer dans l'avenir ; et personne ne peut exclure des dérives. Mais rappelons-nous que ni en Tunisie, ni en Égypte, ni nulle part ailleurs, les manifestants n'ont crié « à bas l'Occident » ; nulle part on a entendu des slogans extrémistes ou fondamentalistes. Tout ce que demandent ces peuples, c'est le respect de leurs droits les plus élémentaires. Et ils le font avec un courage et une dignité qui forcent l'admiration.



L'espérance que ces mouvements historiques ont fait naitre ne doit pas mourir. Rien ne serait pire que de voir ce vent de liberté donner naissance à des régimes pires encore que ceux qu'il a renversés.



Notre responsabilité, c'est d'accompagner ces profonds changements, d'aider ces peuples et leurs dirigeants à réussir leur transition vers la démocratie. Nous avons le devoir d'être aux côtés de ces peuples qui ont fait le choix d'être libres. C'est en les soutenant financièrement, techniquement, humainement à réussir cette transition, que nous pourrons le mieux les aider à éviter ces dérives ; et c'est comme cela que nous serons à la hauteur de ce moment historique.
Le moment est aussi venu de refonder, à la lumière de ces développements historiques, l'Union pour la Méditerranée, lancée en 2008 à l'initiative de la France. La France fera des propositions à ses partenaires en ce sens.



Que peut faire la communauté internationale face aux événements tragiques qui se déroulent en Libye ?



Il est essentiel que la communauté internationale se mobilise pour que M. Kadhafi et son clan cessent les violences contre le peuple libyen. Le Conseil de Sécurité unanime a déjà adopté un certain nombre de sanctions, en saisissant la Cour pénale internationale et en décidant des mesures économiques, que nous mettons en œuvre avec beaucoup de détermination dans le cadre européen.



A la demande de la France, un Conseil européen extraordinaire consacré à la situation en Libye se réunira le 11 mars prochain pour traiter de la situation libyenne dans son ensemble : comment mettre fin aux violences et permettre aux Libyens d'obtenir le régime démocratique qu'ils réclament ? Comment traiter les questions migratoires qui résultent du départ de centaines de milliers d'étrangers jusque-là employés en Libye -- la France a d'ailleurs contribué de façon importante à cette évacuation, notamment pour les Égyptiens, dont près de 5 000 sont rentrés chez eux dans des avions ou des bateaux français.



Par ailleurs, il faut empêcher que Kadhafi utilise ses forces aériennes contre la population civile. Naturellement, cela doit se faire dans le cadre d'une résolution des Nations Unies et d'une coopération internationale avec nos partenaires. De ce point de vue, le Brésil a un rôle éminent à jouer, car c'est un acteur respecté et écouté de la communauté internationale et qu'il siège au Conseil de sécurité des Nations Unies.



Il faut également soutenir l'opposition démocratique libyenne. C'est ce que nous avons fait en étant le premier pays à saluer la création du Conseil national libyen et en apportant notre soutien aux principes et aux objectifs qui l'animent.



Enfin, notre devoir est d'alléger les souffrances du peuple libyen en lui apportant l'aide humanitaire dont il a tant besoin. C'est ce que la France, avec d'autres, a commencé à faire. Nous avons déjà envoyé plusieurs convois humanitaires, nous allons encore renforcer cette aide. Le monde doit être aux côtés du peuple libyen à ce moment si tragique, et en même temps plein d'espoir, de son histoire…



… L'an dernier, vous avez affirmé qu'un accord de paix entre les Israéliens et les Palestiniens serait possible en 2011. Plus récemment, la publication de documents sur les négociations entre Palestiniens et Israéliens indique qu'ils sont au contraire bien loin d'arriver à un accord. Croyez-vous toujours qu'un accord de paix est possible dans cette région ? De quelle façon pourrait-il être obtenu ?



Une relance du processus de paix est non seulement possible, mais elle est nécessaire et elle est urgente. Les paramètres d'un accord de paix sont connus de tous, depuis longtemps ; c'est maintenant une question de volonté.



Je ne sous-estime aucunement les difficultés de cette négociation ; et je n'ignore pas non plus que le choix de la paix n'est pas toujours celui qui demande le moins de courage. Mais c'est un risque à prendre. Le plus grand danger, c'est celui de l'immobilisme, car le statu quo ne fait que renforcer les extrémismes dans chaque camp.



Seule une reprise des négociations directes permettra de sortir de l'impasse ; et c'est la responsabilité de la communauté internationale de la favoriser et de l'accompagner.



Mais pour cela, nous devons être capables de tirer les enseignements des efforts précédents et poser la question de la méthode. Il faut une approche plus collective, qui associe tous ceux qui jouent un rôle au Proche-Orient, y compris bien sûr l'Europe. C'est dans cet esprit que la France a proposé que l'on réfléchisse à un mécanisme d'accompagnement de cette négociation, qui associerait les pays qui dans la région et au-delà sont particulièrement impliqués dans la résolution de ce conflit. C'est le seul moyen de renouer la confiance entre les parties, qui fait aujourd'hui cruellement défaut.



J'ai également dit que la France était prête à accueillir une deuxième conférence des donateurs internationaux pour le futur État palestinien, après celle de décembre 2007. A une condition : que cette conférence des donateurs s'inscrive dans une dimension politique…



… Comment la France voit-elle l'appui du gouvernement brésilien au droit de l'Iran à développer un programme nucléaire à des fins pacifiques ?



La France, comme l'ensemble de la communauté internationale, n'a jamais contesté le droit de l'Iran à accéder, comme tout autre pays, à l'énergie nucléaire civile. Avec nos partenaires européens, nous avons même fait, depuis 2003, plusieurs offres extrêmement ambitieuses, y compris dans le domaine du nucléaire civil, aux autorités iraniennes, à condition qu'elles renoncent à leurs activités proliférantes illégales. Les Iraniens les ont toujours refusées.



Au lieu de cela, ils ont préféré multiplier les manœuvres dilatoires et les provocations : en poursuivant la prolifération nucléaire et balistique, en ignorant six résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et dix résolutions du Conseil des Gouverneurs de l'AIEA, en augmentant les taux d'enrichissement de l'uranium produit à Natanz. Et je vous rappelle qu'en septembre 2009, nos services de renseignement ont découvert l'existence d'un nouveau site nucléaire clandestin.



Personne aujourd'hui ne peut sérieusement soutenir que le programme d'enrichissement de l'uranium iranien est à des fins pacifiques. Il a été conçu dans la clandestinité et n'a aucune justification civile et industrielle. Il n'y a qu'un réacteur en Iran, et les Russes fournissent tout le combustible. Les rapports de l'AIEA ne disent d'ailleurs pas autre chose. Or pour nous c'est très clair : la perspective d'un Iran doté de l'arme nucléaire est tout simplement inacceptable, car elle ferait courir à la sécurité de la région et du monde un risque beaucoup trop grand…




Photo : © 2011 Elysée



Source : elysee.fr