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Publié le 4 Octobre 2011

L'Ukraine se souvient de Babi Yar

L'Ukraine a commémoré lundi 3 octobre 2011 le massacre de Babi Yar, un ravin à Kiev où quelque 34.000 juifs furent tués par les nazis les 29 et 30 septembre 1941, l'un des carnages les plus atroces de la deuxième guerre mondiale. Le président ukrainien Viktor Ianoukovitch, le Premier ministre Mykola Azarov et le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman ont déposé des bouquets de roses rouges devant un mémorial aux victimes de Babi Yar à Kiev.




"Babi Yar a été l'une des tragédies les plus terribles du siècle passé", a déclaré M. Ianoukovitch dans un communiqué. "Il est difficile de trouver les mots pour exprimer toute notre compassion et notre deuil", a-t-il souligné, alors que l'Ukraine organise depuis quelques années seulement de grandes cérémonies commémoratives de cette tragédie, volontairement ignorée par les autorités durant la période soviétique.



Les 29 et 30 septembre 1941, près de 34.000 Juifs ont été tués par balles par les nazis et leurs collaborateurs ukrainiens au ravin de Babi Yar, un lieu-dit aujourd'hui situé dans le district de Kiev. Les nazis, qui ont occupé Kiev le 19 septembre 1941, ont diffusé des affiches en ukrainien ordonnant "à tous les juifs" de "se rassembler le 29 septembre 1941 vers 8 heures du matin au croisement des rues Melnik et Dokterivska" avec leurs papiers d'identité, argent et vêtements chauds. "Celui qui désobéira à cet ordre sera fusillé", prévenait le texte, qui était perçu à Kiev comme une annonce d'une "réinstallation ailleurs". Des dizaines de milliers de personnes venues avec leurs affaires, pour l'essentiel des vieillards, femmes et enfants, ont été sauvagement éliminées à la mitrailleuse au bord du ravin.



"Je me sens ici comme un grain de sable qui aurait dû disparaître dans cet enfer (...), 18 membres de ma famille juive ont péri ici", a déclaré, les larmes aux yeux, Raïssa Maïsterenko, un des rares survivants du massacre, sauvée par une habitante de Kiev qui a convaincu les nazis qu'elle n'était pas juive. "Je suis vivante grâce à une femme ukrainienne", a poursuivi cette femme de 73 ans lors d'un rassemblement solennel à Babi Yar, auquel ont participé quelque 200 personnes, parmi lesquelles M. Lieberman.



Ce site a été le théâtre d'exécutions massives jusqu'en 1943: jusqu'à 100.000 personnes y ont été tuées, parmi lesquelles des Juifs, des Tziganes, des combattants de la résistance et des prisonniers de guerre soviétiques. La drame de Babi Yar a été révélé lors des grands procès de Nuremberg (sud de l'Allemagne), mais l'URSS, dont l'Ukraine faisait partie, a toujours cherché à minimiser le drame pour ne pas avoir à admettre que les victimes étaient juives. Pendant des décennies, les rassemblements pour l'anniversaire du massacre furent ainsi interdits dans le ravin. Dans les années 1960, les autorités soviétiques envisagèrent même d'y construire un stade.



"Aucun monument ne se dresse au-dessus de Babi Yar", a écrit le poète russe Evgueni Evtouchenko, dénonçant l'antisémitisme du régime soviétique dans son célèbre poème Babi Yar publié en 1961, dont Dimitri Chostakovitch a tiré sa Symphonie n° 13. Un monument construit à Babi Yar en 1976 est consacré aux "citoyens et prisonniers de guerre soviétiques", sans aucune mention des victimes juives. En 1991, un mois après la chute de l'URSS, un mémorial en forme de menora a également été installé sur le site.



La mairie de Kiev a envisagé en 2009 de construire un hôtel sur ce site pour accueillir des visiteurs pendant l'Euro-2012 de football. Elle y a finalement renoncé sous la pression des critiques en Ukraine et à l'étranger.



Lundi 3 octobre, une première pierre a été posée à Babi Yar pour la construction d'un complexe mémorial de 5.000 mètres carrés, qui sera financée par deux hommes d'affaires ukraino-israéliens.



Photo (Avigdor Lieberman à la cérémonie) : D.R.



Sources : European Jewish Press