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Publié le 19 Octobre 2011

Maurice Skornik, président de la FSJF : «Le travail n'est jamais terminé»

Maurice Skornik, vous présidez la Fédération des Sociétés Juives de France depuis 1992. On ne le sait pas toujours mais la FSJF a été fondée en 1928.



Quels étaient les buts de ceux qui l’ont mise en place ?



Les buts de ceux qui ont mis en place la FSJF étaient de regrouper les associations ou sociétés mutualistes afin de leur apporter une protection sociale santé sous forme de médecins agréés comme le Docteur Waichnapel de la rue des Francs-bourgeois ou le Docteur Zacarie Mass, sous forme de dispensaire, et de se préoccuper du dernier devoir. La Sécurité sociale n'a vu le jour qu'avec les Ordonnances de 1945, rappelons-le.



La FSJF avait-elle alors une couleur politique ? Et aujourd’hui ?



Les responsables de la FSJF avaient une sensibilité de gauche mais aussi la grandeur de ne pas orienter politiquement et officiellement la FSJF, sa neutralité d'antan et actuelle participe à sa crédibilité.



La FSJF a été pendant la deuxième guerre mondiale présente dans la résistance et a participé à la fondation du CRIF. Dans quelles conditions ?



La FSJF a été très présente pendant la deuxième guerre mondiale :
Dès 1940, ses membres ont fondé le Comité de la rue Amelot (y ont participé MM. Glaeser, Grinberg, Ebschtein, Kurtzberg) protégeant la population juive traquée et dans le besoin, en organisant des cantines, des aides matérielles et sanitaires. La FSJF fonde le "Comité Dubouchage"à Nice : d'avril à septembre 43, 4000 réfugiés seront logés, et jusqu'en 1944(fin du Comité), elle portera encore aide à 8500 personnes (papiers, lieux de résidence etc.). En 1942, Isaac Schnersohn jette les bases du CDJC, inauguré en 1956. Les dirigeants de la FSJF ont été des grands résistants, ont participé à des opérations importantes, ont connu l'épreuve du feu. Leurs noms sont ceux des valeureux du judaïsme,Léo Glaser, Abraham Alpérine, Ignace Fink, Jules Jefroykin, Marc Jarblum, Rachmil Szulklaper, Claude Kelman ou encore Michel Topiol. On retrouvera ces hommes tout naturellement lors de la fondation du CRIF dès 1943, pendant la guerre et avec Léon Meiss et d'autres héros après la guerre.



La FSJF a joué un rôle discret dans les années 50, dans l’Alya des juifs de Tunisie et du Maroc. Pouvez-vous nous en dire plus ?



Le directeur de la Fédération, Fréderic Thau fut un homme clé de l'Alya des juifs du Maroc et de Tunisie. C'est lui qui a transformé le camp d'Arénas à Marseille, lieu construit pour les réfugiés vietnamiens, en camp de transit où ses correspondants de l'Agence juive de Casablanca, Meyer Banon un des derniers témoins survivants aujourd'hui de cette époque héroïque, envoyaient les bateaux à Marseille chargés de futurs immigrants. Frédéric Thau était l'ami de Gaston Deferre qui lui ouvrait les portes de l'Hôpital de la Timone à Marseille pour soigner les malades, d'Eleonor Roosevelt pour le Joint et de toutes les autorités civiles et militaires phocéennes. Jules (Dyka) Jefroykin, agent de voyages et futur président de la FSJF s'occupa d'affréter les bateaux pour Israël. C'était toute une organisation semi-clandestine, peu connue et menée par la Fédération. La Fédération des Sociétés Juives n'a jamais cherché la lumière pour ses actions mais l'efficacité et la finalité avant tout. Le responsable du quotidien du camp d'Arénas, Meyer Banon, cadre de l'Agence juive clandestine à Casablanca, est âgé de 84 ans et vit actuellement en Israël, une de ses filles, née dans le camp en 1955 est l'actuelle épouse d'Alain Kaminski, secrétaire général de la Fédération.



La FSJF se préoccupe de la transmission de la mémoire. Vous organisez ou coorganisez plusieurs cérémonies, lesquelles ?



La mémoire est une activité phare de la FSJF qui organise ou coorganise les cérémonies suivantes :
Cérémonie annuelle au cimetière parisien de Bagneux en mémoire des victimes de la Shoah. Cérémonie annuelle au Mont-Valérien en souvenir de la première exécution massive le 15 Décembre 1941 de 70 otages dont 53 juifs. Cérémonies au Camp de Drancy, Pithiviers, Beaune-la-Rolande, Compiègne, au Mémorial de la Shoah, en souvenir du soulèvement du ghetto de Varsovie.



Vous avez en 2009, inauguré une maison de retraite : quelle est la vocation de la résidence Malka ?



La vocation de la Résidence Malka (EHPAD) est de s'inscrire dans la politique de santé nationale au travers de certaines missions comme la dépendance, Alzheimer etc. Ses missions, elles les met en priorité au service de la communauté juive car ce fut sa vocation originelle, elle ne peut que la poursuivre au nom de ses principes fondateurs. Mais cette résidence juive est bien sûr ouverte à tous.



Combien de sociétés font-elles partie de la FSJF ? Quelles sont leurs activités ?



44 sociétés affiliées, associations ou sociétés mutualistes. Elles organisent des activités culturelles (conférences, spectacles, voyages, visites de musées, banquets), apportent une entraide aux personnes en détresse, et mettent en place des sépultures pour les adhérents.



Quels sont vos projets ?



Les projets ? Sans vouloir jouer les faiseurs de grands projets, on pourrait dire en toute simplicité et avec humilité que le projet phare de la FSJF est de perdurer, de continuer son oeuvre car le travail n'est jamais terminé, dire qu'elle n'aspire pas au repos, que l'ouvrage est toujours sur le métier. Mais sa vocation était de passer le flambeau il y a une vingtaine d'années à une nouvelle génération. Je peux vous dire que la mission a été accomplie.



Comment voyez-vous l’avenir de la communauté juive et d’Israël ?



Nous pensons que l'avenir de la Communauté juive passe par l'acceptation de sa diversité, la tolérance de toutes les composantes de la communauté dans leur différence et le refus de tout lobby au sein même de la Communauté, ce qui pourrait davantage la desservir que la servir.
Quant à l'avenir d'Israël, nous serions tentés de dire qu'il appartient aux Israéliens eux-mêmes d'y penser; nous pouvons y penser aussi mais ils en resteront toujours les décideurs, l'avenir d'Israël passe par cette logique, nous semble-t-il.



Photo (logo de la FSJF) : D.R.