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Publié le 23 Juin 2015

Jean Zay et l’esprit de Vichy

Etablir les contre-feux indispensables contre la mise en péril des fondements de notre République
 

Par Jean-Dominique Durand, Professeur émérite des Universités, Adjoint au Maire de Lyon, délégué au Patrimoine, à la Mémoire et aux Anciens combattants
Le 27 mai 2015, les restes de quatre grands résistants ont été transférés au Panthéon : Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay. Dès l’annonce officielle de ces choix qui incombent au Président de la République, le 12 février 2014, l’un d’entre eux a fait l’objet d’une opposition virulente dans certains milieux.
Il s’agit de Jean Zay. Des lettres enflammées ont été envoyées au chef de l’État, des articles d’une violence inouïe ont été publiés dans des revues et des journaux, des discours de haine ont été prononcés dans des réunions diverses. Tout ceci est troublant. Pourquoi tant d’hostilité, exprimée avec tant de détermination et de violence ? Certains ont mis en avant un écrit de jeunesse, publié à vingt ans, peu après le drame de la Première Guerre mondiale, où Jean Zay dénonçait le nationalisme incarné par le drapeau tricolore. Il s’agissait en fait d’un poème intitulé Le Drapeau, qui se voulait être un pastiche du belliciste Gustave Hervé.
Dès les années 1930, au moment où Jean Zay, juif, franc-maçon, membre du Parti radical, héritier aussi de l’humanisme protestant, devient un homme politique reconnu, élu député en 1932, puis entre dans les Gouvernements du Front Populaire, une campagne se déchaîne. Très vite, ce jeune ministre – né en 1904 - dynamique et créatif, chargé de l’Éducation Nationale et des Beaux-Arts, multipliant les réformes et créant des perspectives nouvelles, du C.N.R.S. au Festival de Cannes, de la réforme de l’enseignement à l’introduction du sport dans les écoles, concentre sur lui la haine de l’extrême droite. Il est l’un des hommes politiques de la fin de la III° République les plus odieusement attaqués, non pas tant pour sa politique, mais pour ce qu’il est, juif, franc-maçon, de gauche. Sous le gouvernement de Vichy, les coups redoublent contre celui qui fut aussi antimunichois et n’avait cessé de mettre en garde contre le nazisme. Il est arrêté, accusé à tort de désertion devant l’ennemi, condamné à la prison à vie, pour être finalement assassiné par la Milice française le 20 juin 1944.
Inquiétante est cette permanence de la haine qui s’exprime jusqu’à aujourd’hui contre Jean Zay. Une haine irrationnelle qui court encore 70 ans après sa mort. Une haine qui se perpétue depuis l’Affaire Dreyfus, contre les juifs, contre la République, contre la liberté, qui se nourrit aujourd’hui toujours du même terreau antisémite. Jean Zay a été assassiné par des Français. C’est une haine franco-française, alimentée par l’esprit de Vichy. On a le sentiment que certains voudraient l’assassiner à nouveau. Dans son discours du 27 mai, François Hollande s’est inquiété de ce que « soixante-dix ans après, ces haines reviennent », et de l’indifférence dans laquelle ce phénomène se produit et se répand. Plus que jamais dans ce climat délétère le devoir de connaissance d’un passé qui ne passe pas, et tend même à se perpétuer, s’impose. La panthéonisation du 27 mai est l’occasion de revenir sur des personnalités hors du commun, et d’établir les contre-feux indispensables contre tous les discours et comportements qui mettent en danger les fondements de notre République.