Dîner du CRIF Lyon : discours de Francis kalifat

A l'occasion du Dîner du CRIF Lyon le 28 Janvier 2016 Francis Kalifat, vice président du CRIF a pris la parole
 

J’aurai tellement aimé faire avec vous ce soir le bilan d'une année où le fameux dicton :
"Heureux comme un juif en France" aurait eu tout son sens.
Malheureusement c’est un bilan particulièrement dramatique que nous avons à faire.

Depuis le début des années 2000 l’antisémitisme est passé de la violence des mots  à la violence physique, aux agressions et aux meurtres.


Il y a 10 ans jour pour jour ILLAN HALIMI vivait le 8ieme jour d'un calvaire qui devait le mener à la mort après avoir été enlevé, séquestré, et torturé pendant 24 interminables jours.

61 ans après la Shoa un juif était tué en France au seul motif qu'il était juif.
Victime de la même idéologie, des mêmes préjugés, des mêmes clichés, de la même haine et de la même inhumanité.

Puis ce fut le massacre de Toulouse. Cette fois encore Jonathan, Gabriel, Arie SANDLER et Myriam MONSENEGO étaient victimes du fanatisme et de l'islamisme radical, coupables d’être juifs.

Tout au long de ces années les Français Juifs ont dû subir le déferlement de haine anti juive sur internet et sur les réseaux sociaux

Subir les campagnes odieuses de Boycott dont les auteurs sont de véritables vecteurs de dé légitimation de l'état d'Israël, vecteurs de ce nouvel antisémitisme, régulièrement dénoncé par le premier ministre Manuel Vals, nouvel anti sémitisme virulent et violent, portant les habits de la haine d'Israël et de l'antisionisme.
Oui monsieur le préfet nous saluons votre décision de ne pas autoriser la manifestation prévue par le mouvement BDS à Villeurbanne.

Cette interdiction vient confirmer l’illégalité de ces manifestations et je veux saluer une décision qui protège notre démocratie des appels à la haine.

Comment ne pas rappeler les cris de mort aux juifs entendus en plein Paris.


Comment oublier, les déferlements de haine et de violence rappelant les heures les plus sombres de notre histoire, avec des tentatives d'attaque de synagogues et de commerces identifiés comme appartenant à des juifs?

Comment ne pas parler ce soir de la tuerie des journalistes de Charly hebdo, coupables aux yeux des terroristes d'user de leur liberté d'expression.

Comment ne pas se souvenir de l'assassinat des militaires de Montauban et Toulouse, des policiers abattus froidement dans la rue, coupables de symboliser l'autorité de l'état.

Comment ne pas rappeler ce soir la mémoire de Yohan COHEN, Philippe BRAHAM, Yohav HATAB, et François Michel SAADA victimes malheureuses de la prise d'otage de l'hyper cacher, tous les quatre coupables d'être juifs.

Comment, j'aimerai tant dire enfin, ne pas pleurer les 130 morts du Bataclan et des terrasses parisiennes. Ils étaient eux coupables d'être la France, la force vive de sa jeunesse et son avenir.

Tous ont été les martyrs du terrorisme djihadiste, qui nous a déclaré une véritable guerre, les victimes d'un islamisme radical qui, guidé par une vision barbare, veut imposer la charia au monde.

Ne nous trompons pas c'est ce même terrorisme islamique qui frappe en Afrique en Asie, en Europe ou en Israël. Ce sont nos démocraties et nos modes de vie qu’ils veulent abattre.

Vous comprendrez, madame la ministre que dans un tel contexte les Français juifs sont inquiets.

Comment s'étonner alors que de nombreux Français juifs s'interrogent sur leur avenir en France?

Comment peuvent-ils envisager l'avenir de leurs enfants dans un pays où les écoles, les synagogues, et tous les lieux communautaires doivent être protégés par des militaires et des policiers lourdement armés?

Quel avenir pour les juifs en France si porter une kippa les désignent comme cible ?

En 2015 ce sont encore près de 8000 juifs qui ont quitté la France pour s'installer en Israël.

Les juifs sont en France depuis plus de 2000 ans, ils ont  acquis la pleine citoyenneté depuis 1791 et à chaque époque et dans tous les domaines ils ont contribué à la grandeur de la France.  Ils sont aussi la France.

Qu'il est confortant d'entendre les plus hautes autorités de l'état déclarer :
"La France sans les Français Juifs ne serait plus la France"

Je veux encore saluer la détermination du Président de la République, du premier Ministre et du ministre de l'intérieur à lutter contre ces fléaux que sont l'antisémitisme et l’antisionisme et dire notre gratitude aux forces de police, à  l’armée et à la gendarmerie.

Je vous le disais les juifs sont inquiets.

Le CRIF aussi est inquiet.

Inquiet  de constater à la lecture du rapport annuel publié par le Service de Protection de la Communauté Juive, à partir des sources conjointes du SPCJ et du ministère de l'intérieur que l'antisémitisme est une réalité qui s'installe chaque plus profondément dans notre pays.

Ce rapport met en évidence une nette dégradation de la situation sécuritaire des juifs sur l’ensemble du territoire national.

Les français juifs qui représentent à peine 1% de la population totale, ont été en 2015 la cible de 40% de tous les actes racistes recensés dans notre pays et près de 50% des violences racistes aux personnes ont été commises contre des juifs.

Ces actes par leurs violences et leur importance aggravent le malaise grandissant qui oppresse chaque jour les Français Juifs et assombrit leur avenir.

Ce rapport démontre sans ambigüité le caractère exclusivement endogène de l’antisémitisme dans notre pays.

L’absence de tout lien direct avec une quelconque aggravation du conflit israélo palestinien, qui a souvent été le prétexte au passage à l’acte antisémite doit pousser l’ensemble des composantes de la société française, Pouvoirs Publics, monde

politique, judiciaire, médiatique, syndical, religieux et associatif à une nouvelle réflexion et à la recherche de nouveaux moyens pour  lutter contre cet antisémitisme qui gangrène notre pays et menace chaque jour notre capacité à vivre ensemble.

La question du vivre ensemble est aujourd’hui une question cruciale aux dimensions politiques, sociales, religieuses et identitaires mais aussi humaines car elle porte sur le lien que nous entretenons les uns avec les autres.

Il ne s’agit pas d’un concept philosophique mais bien de la vie quotidienne de chacun d’entre nous, confronté aux divers sujets que sont les religions, la laïcité, l’antisémitisme,  le racisme, la xénophobie, et le manque de mise en œuvre des règles de la reconnaissance mutuelle dans le respect des lois et des valeurs  républicaines, véritable socle de la société française.

Les valeurs de la république et la laïcité sont nos valeurs communes qui donnent corps et ciment à notre société et qui font de notre pays un grand pays.

Il nous faut redonner tout son sens à cette  fraternité qui avec l’égalité, la liberté et bien sûr la laïcité doivent  rester les valeurs fondatrices  du vivre ensemble.

En ces temps difficiles, il faut organiser la « résistance », participer du dialogue, apaiser les tensions, rappeler sans cesse les valeurs de la République qui doivent rester notre socle commun

Vivre ensemble c’est aussi réfléchir, penser ensemble et surtout faire ensemble.

Le CRIF, n’en doutez pas, s’y emploie et  poursuivra  dans cette voie afin de contribuer à l’apaisement de notre société et redonner ainsi au Vivre ensemble son véritable sens.

Roger CUKIERMAN, retenu à Paris par une obligation dont il n’a pu se défaire m’a chargé de vous exprimer ses très vifs regrets de ne pouvoir être parmi nous ce soir.