Actualités
|
Publié le 18 Septembre 2006

Maimon : L’Europe peut jouer un rôle de médiation entre le monde arabe et l’Occident

Pour Dov Maimon, chercheur à l’Institut de planification d'une politique pour le peuple juif, livre ses impressions sur l’atelier culturel Europe – Méditerranée – Golfe, qui vient de se tenir à Paris, « Si le dialogue ne fonctionne pas, ce sont les armes qui parleront. L’Europe peut certainement jouer un rôle de médiation entre le monde arabe et l’Occident et le paradigme des chocs de civilisation n’est pas forcément le choix gagnant ».


Question : En novembre dernier, Jacques Chirac avait lancé l’idée d’un « atelier culturel » afin de rapprocher les deux rives de la méditerranée. Pour débattre du dialogue des civilisations, le président de la République a donc pris l’initiative de réunir du 13 au 15 septembre, à l’Elysée, 250 intellectuels de la Méditerranée et du Golfe. Sept universitaires israéliens ont été convié à assister à l’inauguration de l’atelier culturel Europe – Méditerranée - Golfe. Comment avez-vous ressenti cette invitation et comment comprenez vous et estimez-vous ce projet ?
Réponse : Il est exact que si le dialogue ne fonctionne pas, ce sont les armes qui parleront. L’Europe peut certainement jouer un rôle de médiation entre le monde arabe et l’Occident et le paradigme des chocs de civilisation n’est pas forcément le choix gagnant. La sensibilité au terrorisme a permis un changement au discours européen qui devient aujourd’hui plus intransigeant sur les principes universels et cela est une très bonne chose.
Question : Dans son allocution, Jacques Chirac a dit que « la Méditerranée est devenue le point focal des incompréhensions entre les peuples. » Le président de la République a ajouté : « Nous sommes menacés d’un divorce entre les cultures, Occident contre Islam, laïcs contre religieux. Nord contre Sud, riches contre pauvres… » Partagez vous ce sentiment et quel regard portez vous sur le pourtour méditerranéen ?
Réponse : La globalisation a exacerbé les tensions, les pays du sud se sentent brimés, humiliés et blessés par cette globalisation. Ils pensent que cette globalisation aggrave le déséquilibre entre le Nord et le Sud. Elle peut en théorie bénéficier à tous, mais il faut qu’elle soit bien gérée. Il convient de prendre en compte les besoins et les intérêts des uns et des autres, ne pas se limiter seulement aux intérêts économiques et politiques. La France qui a une assez bonne image en méditerranée. Elle peut proposer une alternative à ce que Jacques Chirac a appelé « le choc des ignorances », et ce que le ministre français des Affaires étrangères, Douste-Blazy a appelé pour sa part le « fracas des arrogances ».
Question : Qu’est ce que cet atelier peut apporter de nouveau ?
Réponse : Il y a ici au moins trois éléments nouveaux importants. Le travail se fait et se fera loin des caméras, car lorsque les médias sont là, on assiste à des crispations identitaires et des discours convenus. Il s’agit ici d’un processus qui se poursuivra avec trois rencontres : à Paris la semaine dernière ; à Séville, en février 2007 ; à Alexandrie en juin 2007. Durant ce long processus, les participants seront censés continuer à dialoguer. Nous pouvons établir la confiance nécessaire qui permet d’aborder par la suite l’autocritique et les enjeux plus délicats, culturels, sociaux et politiques. Ces rencontres rassemblent les acteurs de la société civile et les organisations non gouvernementales. Or pour permettre la démocratisation du Sud, il faut associer au processus politique notamment des élections libres, une société civile indépendante et autonome capable de critiquer les malversations et les travers du pouvoir.
Question : Tout est donc parfait ?
Réponse : Il y a souvent dans ce type de rencontre, une sur focalisation sur le conflit israélo-palestinien, comme si la guerre en Tchétchénie, les massacres au Darfour, les tueries de Chrétiens au nord du Nigeria, et tout le reste encore, étaient liés à la seule présence de cinq millions de Juifs en Terre d’Israël. Dans le cadre de l’atelier, je faisais par exemple remarquer à l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, que même si l’Etat d’Israël n’existait pas, les émeutes qui ont eu lieu en octobre et au mois de novembre 2005 en France, auraient été tout aussi violentes parce qu’elles sont liées aux difficultés de l’intégration des musulmans et des arabes en Europe. Cela n’a rien à voir avec le conflit israélo-palestinien. De même, Ben Laden dans la guerre terroriste qu’il mène contre l’Occident, ne se préoccupe guère du sort des Palestiniens.
Question : Qu’est-ce que vous pouvez faire en tant qu’Israélien ?
Réponse : Nous sommes extrêmement préoccupés par l’état des relations que nous entretenons avec les musulmans. En tant que chercheur du JPPPI, chargé de développer une stratégie de rapprochement avec les musulmans. Je dialogue avec tous les modérés, pour faire avancer nos objectifs communs. Nous voulons notamment combattre le terrorisme. Je rappellerai d’ailleurs que le terrorisme menace autant les pays arabes et musulmans que le peuple Juif et l’Etat d’Israël. Nous voulons aussi renouer les fils du dialogue afin de pacifier la région et exprimer les besoins de paix et de sécurité des peuples au Moyen-Orient.
Propos recueillis par Marc Knobel