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Publié le 16 Novembre 2018

Crif - Antisémitisme en Europe et inquiétude de la communauté juive française : Francis Kalifat fait le point

A la veille de la 9ème Convention du Crif, Francis Kalifat fait un bilan de la progression de l’antisémitisme en Europe.

Interview publiée le 15 novembre dans Actualité Juive

Actualité Juive : Avez-vous été surpris par les propos d’Emmanuel Macron au sujet du maréchal Pétain ? 

Francis Kalifat : Philippe Pétain a été un grand soldat de la guerre 1914-18. Mais il a été jugé et condamné à mort en 1945 pour haute trahison. L’indignité nationale dont il a été frappé lui a fait perdre le rang qui était le sien dans l’armée. Dès lors il n'est plus éligible à un quelconque hommage. Aujourd'hui la polémique est close et aucun hommage ne lui sera rendu.

A.J.: Etablissez-vous un lien avec les polémiques relatives à l’intégration un temps envisagée des écrivains antisémites Céline et Charles Maurras  au Livre des commémorations nationales ?

F.K. : Je ne veux pas faire de lien avec d’autres déclarations sur cette période noire de notre pays, mais m’arrêter aux faits : Pétain a été frappé d’indignité nationale au nom du peuple français et cela doit demeurer ainsi. Quant à Céline et Maurras, notre position est claire : ni réédition des pamphlets antisémites ni inscription au Livre des commémorations nationales. C’est aussi cela la lutte contre l’antisémitisme.

A.J.: La plénière d’ouverture de cette 9e convention portera sur la laïcité comme principe structurant de la Ve République. Seriez-vous favorable à une réforme de la loi de 1905 ?

F.K. : Nous sommes très attachés au maintien en l'état de cette loi qui, loin de restreindre la liberté de culte dans notre pays, en garantit l’exercice pour tous. Pour autant l'islam qui est aujourd'hui la deuxième religion dans notre pays n'a pas été pris en compte lors de la promulgation de la loi de 1905 car très peu présente à l'époque. Aussi si cette révision, qui doit rester à la marge, a pour but de couper l'islam de l'influence et des financements extérieurs permettant un financement plus transparent de l'Islam de France tant dans la construction des mosquées que dans la formation des imams nous pourrions la comprendre.  En tout état de cause cette révision ne doit en aucun cas être un recul ou avoir des conséquences  négatives sur la pratique des religions dans notre pays.

 

"Les réseaux sociaux sont devenus le déversoir de toutes les haines" Francis Kalifat

 

A.J.: Vous aviez regretté, en septembre, certains manquements dans le rapport gouvernemental consacré à la lutte contre la haine sur Internet. Comment expliquez-vous que les rapporteurs aient écarté de leurs recommandations le volet antisioniste de cette violence numérique ?

F.K. : Ce rapport est très positif, reprenant en grande partie des propositions faites par le CRIF pour s’attaquer au véhicule de haine que constitue Internet dans notre pays. Les réseaux sociaux sont devenus le déversoir de toutes les haines en toute impunité. Je regrette néanmoins que l’on n’ait pas profité de ce rapport pour nous donner les moyens législatifs de combattre ce que le Président de la République a lui-même qualifié de forme réinventée de l’antisémitisme, à savoir l’antisionisme.

A.J.: La question a-t-elle fait l’objet d’un débat au sein des rapporteurs ?

F.K. : C’est ce que j’ai cru comprendre. L’intégration de l’antisionisme aux recommandations a fait l’objet d’un vif débat entre les rapporteurs, finalement tranché par une simple mention dans l’introduction.

A.J.: La progression de l’antisémitisme dans certaines formations  européennes, notamment le Parti travailliste britannique, sera abordée à la Convention. Cet antisémitisme comme phénomène désormais politique nous fait-il passer un nouveau cap, après la recrudescence des actes violents antijuifs ?

F.K. : En effet nous constatons un véritable tournant dans certains pays et notamment en Angleterre avec le Labour. La nouveauté c'est de voir que des partis qui sont des partis de gouvernement ont à leur tête des dirigeants qui ont basculé dans l'antisémitisme et dans l'antisionisme virulent. Cela nous inquiète. Nous devons évaluer le niveau de l’antisémitisme dans ces mouvements et le risque qu’il fait peser sur leurs communautés juives. 

A.J.: Une telle évolution modifierait radicalement la configuration du judaïsme européen qui jusque-là pouvait compter sur le soutien des pouvoirs publics contre l’antisémitisme.

F.K. : Tout à fait. Ces partis étant eux-mêmes  des vecteurs de l’antisémitisme on pourrait assister à un véritable antisémitisme d'Etat s'ils revenaient au pouvoir.

A.J.: Les diplomates français travailleraient actuellement à un projet de relance du processus de paix israélo-palestinien, en cas de nouveau report du plan américain. La France devrait-elle prendre selon vous « le lead » dans ce dossier ?

F.K. : Pour prendre  une part active dans la gestion de ce dossier, il faut avoir une lecture équilibrée de la situation. C’est la position constante du CRIF. Aujourd’hui, ce n’est pas le sentiment qui prévaut à la lumière des prises de positions du quai d'Orsay et des différents votes de la France dans les instances internationales (ONU, UNESCO, etc.).