Lu dans la presse
|
Publié le 22 Décembre 2021

France - Visitez l'exposition "Pour Paul Celan" au Grand Palais éphémère

« Le Point » a rencontré le célèbre plasticien Anselm Kiefer à l'occasion de l'ouverture de son exposition « Pour Paul Celan » au Grand Palais éphémère.

Publié le 18 décembre dans Le Point

« Paul Celan a créé une autre langue. » Ce sont les mots d’Anselm Kiefer, confiés au micro du Point, qui rend (un autre) hommage, verbal pour cette fois-ci, à l’un des plus grands poètes de langue allemande de l’après-guerre, le temps de cette exposition parisienne. « C'est un voyage dans le temps, à travers le XXe siècle, auquel nous invite le plasticien allemand, précise le président de la Réunion des musées nationaux-Grand-Palais, Chris Dercon. Un travail sur la mémoire européenne, monumental, qui demeure, comme selon les habitudes de son auteur, toujours aussi poétique que ténébreux. Gigantesques, aussi, ces 19 toiles qui prennent tout l’espace du Grand Palais éphémère du 17 décembre 2021 au 11 janvier 2022, signées par ces mots : « Für Paul Celan ».

Car il s'agit bien d'une œuvre globale, monumentale pourrait-on dire aussi, dédiée à l'auteur du célèbre poème « Todesfuge » (« Fugue de mort »), écrit en 1945 après la libération des camps. « Celan ne se contente pas de contempler le néant, il l’a expérimenté, vécu, traversé », explique l'artiste au sujet du poète roumain, dont les parents sont morts, victimes de l'Holocauste. Sa vie durant, il a cherché à relayer le témoignage de la Shoah, par ses écrits : « Il n’a pas arrêté d’évoquer ce qui s’est passé avec sa famille, avec lui, avec tous les gens qu’il connaissait », explique Chris Dercon. Au tour de Kiefer d'être, pour cette mise en scène, au-delà de louer le talent littéraire du poète, le « témoin du témoin » de celui qui, par ses vers, craignait la perte de repères, l'évaporation des leçons du XXe siècle.

Qui ne connaît pas l’Histoire ne peut pas s’imaginer l’avenir. [...] C’est une exposition très engagée, elle est aussi un avertissement.

Le fruit de dizaines d'années de créations inspirées par le poète suffit-il à réalier un tel passage de relais ? Ou en tout cas à garantir de ne jamais rien effacer ? « Les Allemands en 1945, ont dit : “C’est l’heure zéro”, mais, moi, j’ai toujours dit : ce n'est pas l’heure zéro, ça continue, précise Kiefer au micro du Point. Ça continue, sous une couverture fine de démocratie, de liberté… » Et de poursuivre, inquiet : « Il y a des bulles de fascisme qui remontent, que ce soit en Europe ou aux États-Unis. » Et par ses toiles géantes, tout aussi impressionnantes que le morceau de l'atelier de l'artiste délocalisé pour l'occasion, c'est autant de « signaux d'avertissements », dixit l'hôte des lieux, de mises en garde, face aux plus récentes montées de conflits internationaux, que nous livre l'artiste en cette courte exposition de fin d'année.

Une exposition à découvrir au Grand Palais éphémère du 17 décembre 2021 au 11 janvier 2022.