Lu dans la presse
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Publié le 12 Juin 2020

Ça s'est passé aujourd'hui - 12 juin 1942 : la jeune Anne Frank, 13 ans, commence son journal

Il y a peut-être 1, 5, 10 ans ou encore un siècle tout juste, se produisait un événement marquant. Dans cette nouvelle rubrique intitulée « Ça s’est passé aujourd’hui », à l'image d'un éphéméride, le Crif revient sur quelques événements majeurs de l’Histoire date par date.

Publié le 12 juin dans Le Point

Il y a 80 ans, le 12 juin 1942 : Le jour où la jeune Anne Frank, 13 ans, commence son journal

 

C'est dans un carnet rouge destiné à recevoir des autographes et offert par son père Otto que la jeune fille commence à noter ses réflexions.

Dès qu'elle le voit dans la vitrine d'un magasin d'Amsterdam, Anne Frank tombe amoureuse de ce petit carnet rouge et blanc destiné à recueillir des autographes. Le 12 juin 1942, son père Otto le lui offre pour son treizième anniversaire. Elle commence immédiatement à décrire sa vie quotidienne à son amie imaginaire Kitty. Durant un peu plus de deux ans, la jeune fille tient son journal sur le carnet, puis sur des feuilles. Mais ce n'est pas exactement ce récit qui sera publié après la guerre par son père. En effet, avant d'être déportée, la fillette avait commencé à réécrire son journal dans un style plus littéraire.

Le 6 juillet 1942, soit trois semaines après l'achat du fameux carnet, la famille Frank gagne l'annexe où ils vivront cachés durant deux années. Une semaine après leur emménagement, le couple Van Pels et leur fils Peter les y rejoignent, puis un ami dentiste, en novembre. Chaque jour, Anne passe de longues heures à noter tout ce qui passe dans sa tête d'enfant. Elle évoque son petit flirt avec Peter, elle parle de ses parents avec lesquels elle n'est pas toujours tendre. À noter que sa grande sœur Margot tient, elle aussi, son journal, cependant, celui-ci ne sera pas retrouvé après la guerre.

Une fois le joli carnet rouge et blanc rempli, Anne poursuit sa rédaction sur des feuilles volantes. Au fil des mois, ses notes s'accumulent. En mai 1944, Anne entend sur Radio Londres (la version hollandaise) un appel aux témoignages de la population pour une publication après la guerre. Rêvant de devenir écrivaine, la jeune fille décide alors de réécrire son journal pour lui donner une forme plus littéraire. Elle censure les passages trop personnels, où elle évoque, par exemple, sa sexualité, et améliore le style. Elle se consacre plusieurs semaines à ce travail de réécriture, tout en continuant à tenir son journal quotidien.

« Incroyablement captivant »

Anne ne peut pas mener son travail de réécriture à son terme. Le 4 août 1944, les Allemands, avertis par une dénonciation anonyme, trouvent la cachette. Aussitôt, la famille Frank est embarquée. Anne doit abandonner les deux versions de son journal derrière elle. Elles occupent plusieurs carnets et presque 300 feuillets qui sont retrouvés, après l'arrestation, sur le sol de l'annexe. Miep Gies, une employée d'Otto qui a pris soin des reclus durant tout leur séjour dans la cachette, ramasse les précieux documents pour les ranger dans un tiroir. Elle espère pouvoir les remettre à la famille Frank après la guerre. En revanche, le journal de Margot n'a jamais été retrouvé.

Anne et sa sœur Margot meurent du typhus au camp de Bergen-Belsen. Seul leur père, Otto Frank, survit à l'extermination. C'est donc à lui que Miep Gies remet les journaux d'Anne. Otto en est profondément bouleversé. En août 1945, il écrit à sa mère, qui a survécu elle aussi : « Par un grand hasard, Miep a réussi à sauver un album de photos et le journal d'Anne. Je n'ai pas eu le courage de le lire. » Au bout d'un mois, il ose enfin ouvrir le carnet. Il lit à dose homéopathique, deux ou trois pages par jour. Plus lui aurait été impossible. Il écrit de nouveau à sa mère : « Je ne peux pas lâcher le journal d'Anne. Il est si incroyablement captivant, je n'abandonnerai jamais le contrôle du journal parce qu'il contient trop de choses que personne ne devrait pouvoir lire. Mais je ferai une sélection. »

Parfois émouvant, souvent douloureux

Otto, à qui Anne ne se confiait guère, découvre la vraie personnalité de sa fille. C'est une extraordinaire révélation. C'est parfois émouvant, souvent douloureux. « Je n'avais aucune idée de la profondeur de ses pensées et de ses sentiments. » Il lit les deux versions : celle rédigée au jour le jour et la version littéraire. Après consultation de ses proches, il décide d'offrir au monde le récit de sa fille. Mais quelle version publier ? Les notes prises au jour le jour ne sont pas complètes, il manque de nombreux passages rédigés au cours de l'année 1943. Tandis que la version réécrite est moins spontanée et s'interrompt trois mois avant l'arrestation.

Finalement, Otto choisit de réaliser un mix des deux. Il part de la version littéraire qu'il agrémente de nombreux extraits tirés du journal original (sauf pour l'année 1943). Par exemple, il réintroduit le passage évoquant la brève idylle de sa fille avec le jeune Peter. Mais il en supprime d'autres, comme celui où sa fille critique violemment ses parents. En effet, Anne est souvent sévère avec sa mère. Mais, globalement, le père d'Anne Frank n'est pas le censeur que l'on présente. Au contraire, il rajoute à la version littéraire des passages non repris par sa fille. Plusieurs éditeurs refusent le texte. Finalement, les éditions Contact publient le journal d'Anne Frank le 25 juin 1947, en allemand. C'est Otto en personne qui a traduit le néerlandais d'Anne. Le titre original est L'Annexe. Lettres du journal du 14 juin 1942 au 1er août 1944. Les éditions Contact tirent l'ouvrage à 1 500 exemplaires.

Aujourd'hui, plus de 25 millions d'exemplaires du Journal d'Anne Frank ont été vendus, ce qui en fait l'un des dix livres les plus vendus au monde. Quant au fameux carnet rouge et blanc, reçu le jour des 13 ans d'Anne, il est exposé au musée consacré à Anne Frank, à Amsterdam.

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