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Publié le 17 septembre dans Le Parisien
Il n'y aura ni de grands rassemblements dans les synagogues, ni repas familiaux fastueux, ni voyages en Israël. Les fêtes du Nouvel An juif s'ouvrent, ce vendredi soir, avec Roch Hachana en plein rebond de l'épidémie de Coronaviru s. Le pic de ce mois de fête, plus spirituel que festif, aura lieu le 27 septembre pour Yom Kippour, avant qu'il ne se clôture avec Souccot dit « la fête des cabanes », du 2 au 9 octobre.
Les 300 000 personnes de confession juive en Ile-de-France, selon les estimations du conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), vont devoir s'astreindre au strict de minimum. « Depuis le début de la crise, nous travaillons pour sensibiliser la communauté sur les rassemblements, les gestes barrière, la fragilité des personnes âgées, appuie Robert Ejnes, directeur exécutif du Crif. Nous voyons avec une inquiétude modérée l'arrivée des fêtes de fin d'année. Nous appelons chacun à rester très vigilant. »
Plusieurs réunions ont été organisées avec l'ensemble des responsables communautaires franciliens, en compagnie des autorités publiques en préfecture et au ministère de l'Intérieur. Les préfets de petite et grande couronne parisienne ont, ce mardi, été conviés par le préfet de police, Didier Lallement, pour préparer l'événement.
« Sur le plan sécuritaire, évidemment, et sanitaire, surtout, glisse-t-on dans l'entourage du préfet du Val-d'Oise, Amaury de Saint-Quentin. Nous avons toute confiance en les responsables communautaires pour transmettre les recommandations et respecter les gestes barrière. Que l'événement soit religieux, sportif, associatif ou municipal, nous le traitons avec la même rigueur et le même souci de protéger le public. »
Les protocoles sanitaires mis en place dans les lieux de culte ont été renforcés. Les fidèles doivent s'inscrire pour assister aux offices pour permettre la distanciation physique, le masque est obligatoire tout au long de la prière, et du gel sera mis à disposition. « Ensuite, chaque communauté décide des détails organisationnels, en fonction du nombre de places et de la spécificité de la synagogue », indique Robert Ejnes.
À Sarcelles par exemple, où se concentre l'une des plus importantes communautés francilienne au cœur de la « Petite Jérusalem », la capacité de la Grande Synagogue, située avenue Paul-Valéry, sera réduite à 60 %. « Les mesures ont été prises en conformité avec la gravité de la situation, appuie le maire (PS) Patrick Haddad. Le protocole sera extrêmement strict. L'office ne sera ouvert qu'aux hommes, à partir de 13 ans. Une « petite cérémonie » sera ouverte à la gent féminine, pour ne pas qu'elles soient « totalement exclues ».
« La femme n'a pas l'obligation de prier pour Roch Hachana, explique Moïse Kahloun, président de la communauté locale. Ce n'est pas de la misogynie, nous sommes obligés de prendre des mesures drastiques. La communauté oscille entre inquiétude et incertitude. Prendre ces mesures très strictes, c'est notre manière de rassurer nos fidèles. Je ne souhaite pas qu'un cluster se forme parmi nous. »
La communauté de la commune de 60 000 habitants reste « très marquée » par la première vague de l'épidémie de Covid-19. Juste avant le confinement, deux rassemblements de plusieurs centaines de personnes, à l'occasion de la fête de Pourim, avaient accéléré la propagation du virus.
« Il reste un certain traumatisme, juge François Pupponi, député (DVG). Je suis extrêmement inquiet pour les trois semaines à venir. Beaucoup d'habitants n'iront pas dans les lieux de culte, par inquiétude. Dimanche sera crucial, d'habitude, plusieurs milliers de juifs se rassemblent au Lac de Sarcelles. »
La tradition veut, en effet, que les fidèles « jettent leurs péchés » dans un cours d'eau à l'occasion de Roch Hachana. Un « périmètre de sécurité » va être mis en place. « J'ai demandé aux membres des différentes communautés de ne pas effectuer ce geste cette année, au vu du contexte sanitaire très particulier », explique René Taieb, président des collectivités juives du Val-d'Oise. « Nous devons prendre exemple sur Israël », reprendre Robert Ejnes.
Le pays dirigé par Benyamin Netanyahou a décrété le confinement total, à partir de ce vendredi matin et pendant les trois semaines de fête pour empêcher une deuxième vague épidémique. « Cela ajoute à l'inquiétude et à l'incompréhension », souligne Moïse Kahloun. « J'estime que cela permet d'augmenter la prise de conscience du danger dans la communauté française », pense pour sa part Robert Ejnes.
Plusieurs familles ont dû annuler leur voyage en Israël pour les fêtes. D'autres ont décidé de « rapatrier » certains proches en France. « J'ai pris un billet d'avion pour ma mère. Je ne veux pas qu'elle passe les fêtes seule, enfermée chez elle, explique Fabienne. Chez moi, seuls les membres de la famille rapprochée seront aux repas. Je ne veux mettre personne en danger. »
Le risque de ces fêtes réside davantage dans le cadre privé où, traditionnellement, familles et amis se regroupent pour partager un repas. « Cet aspect nous échappe, nous pouvons sensibiliser, refaire passer les messages mais c'est très difficile, confie Patrick Haddad. Nous touchons à des choses fondamentales pour certaines familles. »
« Il faut être extrêmement vigilant. Le coronavirus est l'affaire de tous, nous devons lutter collectivement, insiste René Taieb. Les gestes barrière doivent être respectés à la synagogue mais aussi, et surtout, à la maison ! »