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Comment les djihadistes réussissent à endoctriner les jeunes ?
Le système d'endoctrinement consiste à supprimer l'identité des jeunes, à broyer les souvenirs anciens. On leur demande même de déchirer les photos de famille, parce que ça les parasiterait. L'identité du groupe prend la place de l'identité personnelle et on remplace la raison par une sorte d'hypnose et de mimétisme. C'est pour ça que tous les jeunes répètent la même chose, c'est commun à toutes les dérives sectaires.
Quels sont les vecteurs de l'endoctrinement ?
Selon nos statistiques, qui concernent les familles qu'on a rencontrées, 95 % de l'endoctrinement passe par Internet avec l'intervention d'un interlocuteur physique à un moment. L'islam radical d'aujourd'hui se sert d'un mode de communication virtuel pour donner l'illusion aux jeunes qu'ils sont élus pour faire partie d'une communauté virtuelle, supérieure au reste du monde. Cela tient une grande place dans le contenu et dans la forme des vidéos qui endoctrinent. Les intervenants y parlent et pensent en français. Ils ne s'adressent pas à des gens qui ont une culture clanique ou qui sont issus de l'immigration. Dans ces vidéos, il y a une haute technicité et un degré de connaissance pensé spécialement en français, ce qui ne sera pas le cas pour une vidéo anglophone.
Existe-t-il un profil type ?
Avant, cela n'atteignait que des jeunes en difficulté, fragiles, mais aujourd'hui le djihadisme atteint des couches sociales complètement différentes. Dans les familles qui nous ont contactés, on a une majorité de classes moyennes, mais également des classes supérieures. Ce n'est pas représentatif de toutes les familles concernées, car celles qui m'ont appelée ont lu mon livre ; les classes populaires n'ont pas dû m'appeler. Il y a des familles de professeurs, de docteurs, donc ça n'atteint pas que des gens en difficultés sociales. J'ai étudié le cas d'une jeune fille qui était inscrite à Sciences Po et une autre avait 18 de moyenne en première scientifique. Les profils sont variés, mais il y a une majorité de jeunes majeurs, de 18-21 ans et on a quand même pas mal de mineurs. C'est là où on voit qu'ils ont amélioré leur procédure de recrutement, puisque justement avant cela touchait des jeunes fragiles et aujourd'hui on n'arrive pas à faire un profil type.
Quels sont les indicateurs d'alerte ?
On observe essentiellement l'effet du discours religieux sur les jeunes. Si le discours religieux permet à la personne de se ressourcer pour vivre en société, on est dans la religion. Si le discours religieux a un effet d'exclusion ou d'autoexclusion, on est dans la dérive sectaire. Elle se manifeste par le refus d'aller à l'école au nom de Dieu ou par le refus de voir ses anciens amis sous prétexte de religion. Il s'agit d'une rupture sociétale : un enfant peut arrêter immédiatement ses anciennes activités comme ses cours de guitare, sa chorale, ses cours de dessin, toujours au nom de Dieu. Un autre indicateur important est la rupture familiale, c'est-à-dire que le groupe endoctrinant se substitue à l'autorité parentale et explique à l'enfant qu'il ne doit pas obéir à ses parents. C'est très clair dans les vidéos… Lire la suite.
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