Tribune
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Publié le 12 Mars 2010

Arlette, rescapée du Vel d'Hiv, évoque le film

« Je suis née à Paris, dans une famille juive bourgeoise d'origine ukrainienne. Nous étions français ...



et fiers de l'être, au pays de Voltaire et de Rousseau. » Cette belle vie insouciante prend fin avec l'occupation allemande. Quand les nazis demandent aux Juifs de venir se faire recenser, le père d'Arlette ne semble pas inquiet. Il est français et a fait son service militaire. Il fait donc la démarche mais la famille Reimann ne le reverra plus.
Dans la nuit du 16 au 17 juillet 1942, les autorités françaises arrêtent 13 000 Juifs et les parquent comme des animaux dans le Vélodrome d'hiver, sans hygiène. Arlette a huit ans et demi. Elle ne comprend pas et demande à sa mère d'appeler Voltaire et Rousseau, en se rappelant les paroles de son père.



Arlette raconte ce qu'elle a vu et vécu. Les femmes qui ont leurs règles sont désespérées car on les empêche de se protéger. L'odeur d'urine est dominante.



Des gens se suicident, des femmes se font avorter avec des aiguilles à tricoter. Elle voit du sang, elle la petite fille bourgeoise que l'on a voulu élever dans la tendresse.



Pour ne rien oublier



Puis, ce sont les départs vers les différents camps. La maman d'Arlette parvient à convaincre les autorités de les libérer car elle possède encore des biens cachés. Ils deviennent soudain « Juifs utiles » et ils parviennent à fuir le drame. Arlette a vu le film La Rafle (1) en avant-première. Elle le juge très bon, relatant parfaitement ce qu'elle a vécu : « Il ne manque que l'odeur. Je ne peux pas oublier.



» Après la guerre, elle rencontre Charles Testyler. Les deux jeunes orphelins se marient et reconstruisent une nouvelle vie. En 1995, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenaü, ils créent leur association Vigilance et Mémoire des lycéens. Leur dernier voyage de ce type, avec des étudiants, a eu lieu la semaine dernière. Dans la ville où son mari a vécu, elle a prononcé un discours plein de pondération : « Les Tziganes comme les Juifs ont eu à souffrir du nazisme. Il y a eu des Polonais et des Français qui ont aidé les Juifs, et il y a eu des Polonais et des Français qui ont aidé les nazis. Nous ne devons pas oublier tout cela. C'est notre dernier voyage, nous comptons sur vous pour ne rien oublier. » Le lendemain, à Auschwitz, Arlette a posé des cailloux à la porte du bâtiment 28, puis elle a allumé une bougie. Après des années de recherches, elle a su que son père a vécu ses dernières heures dans ce bâtiment avant d'être gazé au zyklon B.



Par Henri Dudzinski (article publié dans l’édition de la Voix du Nord du mercredi 10 mars 2010)



Photo : D.R.