Tribune
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Publié le 7 Décembre 2011

Attentat de Kaboul : «du sang macule la rue»

Des piles de corps dont ceux de plusieurs enfants, des hurlements de mères, une fillette hébétée couverte de sang... Un photographe était sur les lieux lorsqu'un kamikaze s'est fait exploser mardi 6 décembre 2011 au milieu d'une procession chiite à Kaboul.



"Je couvrais les célébrations de l'Achoura, au cours desquelles des hommes se flagellent avec des chaînes (terminées par des lames), et alors il y a eu une énorme explosion", raconte Massoud Hossaini, photographe dans la capitale afghane. L'Achoura est l'une des fêtes les plus sacrées des musulmans chiites, minoritaires en Afghanistan, pays sunnite à plus de 80%. Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées pour assister à la procession, près d'un sanctuaire chiite, dans le centre-ville. Juste après la détonation, les gens se sont mis à courir, d'autres ont essayé de se cacher, de peur d'une deuxième explosion. "Les gens s'enfuyaient et moi je courais dans le sens inverse", raconte Massoud Hossaini qui s'est précipité vers le lieu de l'explosion, survenue quelques dizaines de mètres derrière lui pendant qu'il photographiait la procession.



"A mort Al-Qaïda"



"Immédiatement, j'ai vu de nombreux corps par terre, beaucoup de gens en pleurs, d'autres prenaient des photos ou des films avec leurs téléphones portables, des gens criaient "A mort Al-Qaïda !", "A mort les talibans !". L'attentat a fait 55 morts et 134 blessés, selon le dernier bilan officiel. C'est le plus meurtrier en Afghanistan depuis un attentat contre l'ambassade d'Inde en juillet 2008. A terre, "des corps formaient un grand cercle, autour d'un centre où devait se tenir le kamikaze", explique Massoud Hossaini. "Au bord de la chaussée, non loin de la mosquée, il y avait un endroit où des femmes et des enfants étaient rassemblés pour regarder la procession. J'ai vu de nombreux enfants blessés, qui ne bougeaient pas", ajoute-t-il. Au sol, "une mère tenant son bébé, tous deux immobiles". Plus loin, du sang, des morceaux de corps, de cervelle, maculent la rue.



Il était mort



"J'ai vu une fillette d'une douzaine d'années, totalement en sang, elle ne savait pas quoi faire (...) elle pleurait beaucoup", poursuit le photographe. Une femme l'a interpellé, tenant deux enfants, dont l'un, un garçon de cinq ans, semblait grièvement blessé. "Elle m'a dit "regarde mon bébé est en train de mourir, peux-tu m'aider ?" Mais je ne pouvais pas, je ne pouvais rien faire, j'étais en larmes", raconte-t-il. Un homme est arrivé, a pris l'enfant, avant de le reposer sur le sol, après avoir constaté qu'il était mort.



Ce n'est qu'en prenant des photos, dont certaines offrent un spectacle difficilement soutenable, qu'il a constaté qu'il avait été légèrement blessé à la main par des éclats. "J'ai de la chance d'être en vie", reconnaît Massoud Hossaini.



Photo : D.R.



Source : Le nouvel Observateur