Je pensais à cette histoire en regardant hier sur le Net Dieudonné en campagne pour son "parti antisioniste". Il était entouré d'Alain Soral, sa prothèse cérébrale, et d'un homme à barbe blanche parlant calmement: Yahia Gouazmi, président du centre Zahra, officine de l'Islam chiite le plus radical. Et, je dois l'avouer, M. Gouazmi m'a procuré un plaisir intense: il disait que à Durban 2, pardon, à Genève, pendant le discours du président iranien, la semaine dernière, il avait vu le Président du CRIF faire un signe aux 23 délégués pour qu'ils quittent la salle et ils avaient obéi immédiatement. "Alevai" (plût au ciel...) auraient dit mes anciens. Vous vous rendez compte, moi qui, cardiologue, ai échoué en demandant à ma femme d'arrêter de fumer, je fais ce que je veux des Etats européens! Pas encore "maître du monde", mais tellement près! Ma journée devait être éprouvante, elle fut excellente. Merci M. Gouazmi....
Mais il y avait bien plus dans sa déclaration. Saviez-vous que, en France, derrière chaque divorce, il y a un "sioniste"? Dans l'escarcelle remplie mais un peu répétitive des prétextes pour l'antisémitisme, j'avais rarement entendu une inventivité pareille : le premier prix dans ce triste palmarès revenait jusque-là au tsunami de 2004, qui comme chacun sait, a été volontairement provoqué par usine sous-marine israélienne qui fabriquait des ondes gigantesques destinées à engloutir une île musulmane. Mais les Juifs machinateurs de divorce, je ne connaissais pas; d'où venait l'information? Peut-être de l'inénarrable M. Williamson, qui a ces jours-ci du temps pour "réfléchir" après avoir été éloigné de ses fonctions?
Mais M. Gouazmi a tenu aussi des déclarations plus classiques, qui font froid dans le dos: le sionisme, dit-il," n'est pas humain". Nous avions déjà entendu des paroles analogues. Il copie les nazis. Puisque la grande majorité des Juifs se qualifient de sionistes, il faut qu'ils assument, pour M. Gouazmi, ils ne sont pas humains.
Amis lecteurs, ce discours s'est tenu en France en toute impunité en avril 2009, au cours d'une campagne pour les élections européennes. Personne dans la salle ne semble avoir protesté, Dieudonné et Soral restaient impavides. Il n'y avait pas de militant UEJF pour démonter par une vraie clownerie, comme ils l'ont fait admirablement à Genève, le niveau grotesque de ces paroles.
Mais ce discours est gravissime: il exprime un délire épidémique, d'autant plus contagieux qu'il est primitif et imbécile: c'est cet antisionisme-là qui infecte les esprits des enfants dans une éducation à la haine qui se moque des arguments rationnels ou historiques. L'antisionisme plus sophistiqué des compagnons de route intellectuels ou pseudo-intellectuels de l'ultra-gauche, de l'ultra-droite ou de l'altermondialisme ne s'adresse pas au public du gang des barbares, des terroristes exécutants et des esprits simples, qui sont les plus nombreux. Eux se contentent d'une double notion: les Juifs dominent tout et les Juifs ne sont pas de véritables être humains. A partir de là tout est permis. Tout comme certains trouvaient que le discours d’Hitler gênait un antisémitisme "honorable", il y a évidemment des antisionistes qui ne se reconnaissent pas dans les délires de M. Gouazmi et de ses amis. Mais tant qu'ils se refusent à admettre que leur fixation systématique sur l'Etat d'Israël ne relève pas d’un pulsion éthique fondée sur la comparaison objective des divers drames de ce monde, mais d'un préjugé antisémite, ou d'un peu respectable calcul politique ou d'un investissement émotionnel orienté par le battage médiatique, ils se font les compagnons de route de ce discours néo-hitlérien qui fait de cet antisionisme radical le véritable nazisme d'aujourd'hui.
Article paru dans Actualité Juive du mercredi 6 mai 2009.
Photo : D.R.