Tribune
|
Publié le 18 Novembre 2011

Demain, les Juifs de France, par Richard Prasquier

L’actualité où nous sommes impliqués a été rarement aussi dense que celle de ces dernières semaines. Emotion (libération de Gilad Shalit), consternation (vote de la France à l’Unesco), écœurement (partialité anti-israélienne de certaines émissions), soulagement (fiasco du dixième anniversaire de la conférence de Durban), angoisse ( nucléaire iranien), étonnement (rencontre de Ron Prosor avec Marine Le Pen), stupéfaction (les propos en « off » sur le Premier Ministre israélien), la palette des émotions que nous avons ressenties a été large. Evénements axés sur l’international, en filigrane de la demande d’admission de la Palestine à l’ONU, auxquels s’ajoutent les activités quotidiennes du CRIF en rapport avec les pouvoirs publics, les représentants de la société civile et politique, les liens avec les diverses communautés ou religions, les organisations internationales et les institutions juives et les avis d’expertise. J’en passe …Nous avons la chance, souvent douteuse, de ne pas être au chômage ; nous pensons faire honorablement notre devoir.




Ce devoir est modeste et complexe à la fois. Il impose d’agir à l’intérieur de la communauté nationale de telle sorte que dans la vie des citoyens juifs de notre pays, la part exprimant leur lien avec le monde juif, lien spirituel, culturel, religieux ou national, variable d’un individu à l’autre, puisse s’exprimer de la façon la plus harmonieuse possible, sans être blessée par des agressions physiques ou morales. Nous voulons que ceux qui se sentent représentés par le CRIF (personne n’y est obligé) admettent au-delà de leurs divergences, parfois rudes, que le lien solide de la judéité, composé de tresses diverses, dont certaines sont plus fragiles que d’autres, les attache par une histoire commune vers un destin commun au travers d’inquiétudes et de fiertés communes. Israël a une place centrale dans cet agencement entre le passé, le présent et l’avenir, personne ne peut nous demander d’amputer notre cœur.
Deux dangers, qui souvent se rejoignent, menacent toute organisation qui travaille dans le champ politique : la soumission à l’émotion et la tyrannie du court terme. Les physiologistes ont admis par les moyens modernes d’investigation que l’homme est un être d’émotion, ce que les poètes, les prophètes et les dictateurs avaient toujours su et que les savants et les philosophes avaient beaucoup nié. Les émotions sont ce qu’Esope disait de la langue, la meilleure et la pire des choses, une force et un danger : la force est celle de la vie et de la communion, le danger est celui de l’aveuglement et de la manipulation. Quant aux risques du court terme, tellement prégnants dans une démocratie où la succession des votes définit le calendrier et ses contraintes, ils s’appliquent à notre champ d’action aussi : vociférer le plus fort possible sans penser au jour d’après relève de la stratégie de la cour d’école. Ce n’est pas compatible avec des objectifs d’avenir.
Apporter, dans le débat devenu acrimonieux entre la communauté juive et l’opinion publique, pondération, engagement et efficacité, prendre compte des forces qui orienteront nos sociétés, échapper à la tyrannie de la réaction pour se propulser dans la proaction, tels sont les enjeux de la Convention nationale du CRIF qui aura lieu à Paris au CAP 15 le dimanche 20 novembre 2011. Venez-y nombreux, car c’est votre présence qui donnera sens à cette manifestation. Pour s’inscrire, car, il faut s’inscrire : www.conventioncrif2011.org et en cas de besoin un téléphone au CRIF. Nous vous attendons.
Richard Prasquier
Président du CRIF
(Cet article a été publié ans Actualité Juive du 16 novembre 2011)
Photo : © 2011 Lionel Guericolas