Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a répété que Gilad Shalit étant un citoyen français, la France avait une responsabilité pour le faire libérer. Mais si l’implication diplomatique française est indéniable et constante, ses moyens de pression et d’action sont limités. Ils ont été mis à profit pour obtenir les rares sources d’information et de communication entre le jeune homme et le monde extérieur. Quant à la population française, en dehors de la communauté juive, sa mobilisation est réduite. Quelques maires, en particulier Claude Goasguen dans le XVIe à Paris, ont apposé sa photo au fronton de leur hôtel de ville. D’autres, comme Bertrand Delanoë, l’ont nommé citoyen d’honneur. On lui compare la franco colombienne Ingrid Bettancourt, otage des Farc pendant 6 ans, et on mythifie aujourd’hui à l’excès l’engagement populaire en la faveur de cette dernière, par rapport à la frilosité envers Gilad Shalit. Mais elle était perçue comme une Française impliquée dans les affaires colombiennes, et lui uniquement comme un soldat israélien.
Il ya deux semaines, le CRIF a rassemblé près de 15 000 personnes pour le quatrième anniversaire de sa détention, mais aussi en défense d’Israël, dans une manifestation importante qui n’a pas eu de retombées médiatiques adéquates. C’est que l’affaire de la flottille, deux semaines auparavant, avait entrainé une vague de critiques contre Israël d’une violence inégalée. Plus grave encore, la connaissance de la réalité des faits, notamment de ce que les « victimes humanitaires » étaient des terroristes islamistes en action, n’a entrainé aucun changement de grille d’analyse : Israël restait coupable, continuellement coupable, d’un « raid meurtrier » et sa défense n’est pas dans l’air du temps.
De ce renforcement des clichés anti-israéliens, qui n’est d’ailleurs pas spécifique à la France, de cette distorsion des faits au profit de l’idéologie ambiante, beaucoup de Juifs tirent des conclusions pessimistes quant à leur avenir en France. Pourtant, paradoxalement, jamais peut-être dans l’histoire agitée des relations entre la France et Israël au cours des quarante dernières années, l’empathie du gouvernement français n’a été aussi grande.
Quelles que soient les décisions de chacun à titre individuel, il est indispensable pour les organisations juives d’entreprendre une campagne de reconquête de l’opinion publique. Cette campagne sera difficile. Il ne s’agit pas uniquement de manifester sa colère. Il ne s’agit pas de faire assaut de véhémence et de populisme. Ces méthodes sont contre-productives. Il faut rester ferme sur ce que l’on croit profondément vrai, mais il s’agit de développer des passerelles, d’expliquer, d’expliquer notamment à ceux, très nombreux qui, amis ou sympathisants d’Israël, s’en s’éloignent dans le doute instillé par une présentation uniformément hostile.
Certains Juifs sont exclusivement attachés à la défense des intérêts particuliers d’Israël. D’autres sont plutôt mobilisés par la lutte pour les valeurs universelles contenue dans les enseignements du judaïsme. Il y a des Juifs de France en France, des Juifs de France en Israël et des Israéliens d’origine française. Il y a même ceux qui font de l’Airbus du voyage leur troisième demeure. Il importe à tous, quels qu’ils soient et où qu’ils soient, d’être convaincus de leur responsabilité particulière pour démontrer auprès de ceux qu’ils approchent que, d’une part la cause d’Israël est une cause juste, d’autre part que la défense de cette cause n’est pas uniquement la défense de l’Etat d’Israël.
Eu égard à la gravité de la situation, défendre Israël, c’est aussi défendre la France –et l’Europe- contre les avancées inquiétantes d’un islamisme radical dont le projet est incompatible avec notre vision d’une société vivable.
Article publié dans le Jérusalem Post du 13 juillet 2010.
Photo : D.R.