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Il se passe quelque chose au royaume de la chrétienté. Quelque chose d’essentiel même à bien y regarder. Les origines de la foi sont soumises à réexamen. Protestants et catholiques – mais surtout protestants –, à travers leurs obédiences respectives, tentent une approche nouvelle du message christique. Individuelles ou collectives, leurs motivations les plus récentes puisent toutes dans le registre de «l’insaisissable dimension de la Shoah » dont ils sentent leur foi comptable pour tout ou partie. Certains chrétiens l’ont éprouvé dans la chair familiale, d’autres en ont senti les effets sur leurs proches, parents ou amis, juifs ou non. Tous s’interrogent dans le silence de leur conscience mais n’hésitent plus à l’exprimer à haute voix.
Résultat : le courant du dialogue judéo-chrétien déborde désormais le cadre institutionnel. Aux rendez-vous de convenance entre responsables religieux et communautaires s’ajoutent désormais les rencontres de leurs bases. C’était déjà le cas aux Etats-Unis depuis longtemps, la pratique avait cours aussi dans certains pays du Vieux Continent, les plus directement concernés. L’Hexagone, lui, avait pris du retard. Hormis quelques tentatives ponctuelles en province -Alsace : Dauphiné ou Provence - la France d’en bas, - majoritairement catholique et romaine- n’avait pas encore été touchée par cette grâce-là.
Entre autres pionniers de cet Agiornamento en France, on compte le Pasteur Jean Fauvel et son épouse Suzanne. Alsaciens tous deux, droits dans leurs convictions, connaissant la communauté juive par la proximité géographique et plus encore son essence à travers leurs lectures bibliques.
Prière, confession et repentance
Suzanne Fauvel, présente à cette rencontre aux côtés de son époux, racontera dans un émouvant récit comment, un jour, relisant l’Epître aux Corinthiens de « Shaoul de Tarse », (l’apôtre Paul), elle fut interpellée par l’admonestation adressée par lui aux nouveaux chrétiens, comparés à des branches greffées sur un olivier profondément enraciné, et dont la vigoureuse sève nourrissait leur nouvelle allégeance.
Jean Fauvel fit le récit de sa profonde imprégnation biblique - Thoranique, due à une paternelle insistance et, en addition, à la figure emblématique d’un rescapé des Camps qui ne cesse de susciter en lui réminiscences et interrogations sur ce que fut jusqu’à une période récente, le caractère exclusif-excluant de la chrétienté. Et donc, sur le prix fort acquitté par tous ceux, juifs en premier, qui s’en distinguaient. Ce chemin de foi le conduira durant sa formation vers les Sœurs de Marie de Darmstadt en Allemagne. En leur compagnie, il apprendra comment, sous la conduite de leur mère supérieure, Mère Basilea, elles tentaient d’amender par la prière, la confession et la repentance une conception dévoyée de leur foi.
Tous n’eurent de cesse que de comprendre et se rapprocher de leurs « frères aînés ». Innombrables furent leurs actions pour le rapprochement avec le judaïsme et les communautés juives. Avec la foi des premiers convertis, ils tentèrent d’expliquer Israël à leurs semblables en religion. Et l’Espérance qu’ils plaçaient en celui-ci, mus qu’ils sont par les prédictions prophétiques.
Jean et Suzanne Fauvel remuèrent parfois les montagnes, vu leurs faibles moyens, pour tenter ce rapprochement. Ils furent à l’origine dès 1982 de plusieurs manifestations marquantes à Strasbourg, Grenoble et aujourd’hui à Bourg-en-Bresse. Le But étant souvent, s’agissant d’Israël et du peuple juif, de faire pièce au mensonge déguisé en Information. Au besoin en faisant face à l’inertie des chapelles. La leur entre autre, mais pas seulement.
La montée à Sion
Quant aux Sœurs de Darmstadt, leur action connut son Golgotha à Jérusalem, en avril 2001. La menace des « islamikazes », alors à son paroxysme, ne les dissuadera pas. Elles réunirent à Sion 700 chrétiens venus de 26 pays pour, selon leur dire, « changer l’avenir en affrontant le passé ». Mère Basilea, qui depuis a gagné le ciel, a vu ainsi couronner l’œuvre de sa vie. Les Sœurs Columba et Davida, ses disciples, venues d’Allemagne pour cette rencontre, commentèrent avec émotion les images vidéo de ces journées marquantes. Devant un parterre de ministres et responsables de l’état juif, elles ont offert leur repentance et présenté leur pardon au peuple d’Israël au nom de la chrétienté. Avec toute l’assemblée elle le firent sous le rappel en hébreu de la parole prophétique : « Et l’Eternel ôtera les larmes sur tous les visages ; Il effacera l’affliction de Son peuple de toute la surface de la terre. Telle est la parole de l’Eternel ». Ce geste, manifesté en un moment où le pays comptait ses victimes quotidiennement, a réchauffé bien des cœurs si l’on en croit les commentaires de la presse israélienne.
Le pardon offert, certes. Mais ceux qui ont fait ce geste ne demandent pas à leurs « frères aînés » de l’accepter. A tout le moins de le recevoir comme gage d’une nouvelle chrétienté, dégagée de ses vieux oripeaux : les péchés « d’Orgueil et d’anathème ». De celle qui entend préparer le terrain au futur. Cet avenir a été abordé également par d’autres opérations. Telle l’opération Omer, entre Pessah et Chavouot. Il s’est agi pour les Sœurs de Darmstadt de concrétiser leur nouvelle attitude. Chaque jour et partout dans le monde durant le Omer 2001, des assemblées de chrétiens se sont concentrées sur Israël et son peuple pour « Pleurer avec ceux qui pleurent » et pour chacun déclarer : « Je suis le gardien de mon frère. Il y eut aussi les Souccoth à Jérusalem dans l’enceinte de la Maison d’Abraham.
Toutes ces entreprises, marquées du sceau de l’Ambassade chrétienne internationale de Jérusalem, visent, comme l’affirme le Pasteur Fauvel à tracer une voie non douloureuse de la fraternité, à : « ôter les pierres du chemin ».
En cet après-midi de février, à lire les remarques consignées sur le livre d’or, quelques cailloux ont été déblayés.
H.B.
N.B. : site Internet des Sœurs de Darmstadt : www.kanaan.org