Tribune
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Publié le 31 Octobre 2005

La presse en folie. Propos de l’Iran sur Israël : condamnations unanimes

Avec son nouveau président, Mahmoud Ahmadinejad, « c’est un peu comme si l’Iran avait emprunté une machine à remonter le temps. En appelant à « rayer » Israël de la carte, cet ancien gardien de la révolution, la milice de l’ayatollah Khomeini, vient de retrouver un discours de haine que l’on croyait oublié depuis les proclamations réformatrices de son prédécesseur », note avec fermeté Le Nouvel observateur (28 octobre 2005). « S'il en était besoin, le masque est tombé », estime, dans son éditorial, Le Monde (27 octobre 2005). « En appelant le monde musulman à faire en sorte de rayer Israël de la carte, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a complété en quelques mots, mercredi 26 octobre, l'inquiétant portrait d'un chef d'Etat tout-puissant et extrémiste. A chacune de ses déclarations, l'ambition iranienne, portée désormais par cet ancien Gardien de la révolution, se manifeste de manière de plus en plus ouverte et agressive. A tous ceux qui croyaient ou voulaient croire que la République islamique s'était finalement assagie, en renonçant en particulier à cultiver son obsession "antisioniste", le réel se charge de démontrer qu'il n'en est rien. L'Iran de Mahmoud Ahmadinejad persiste et signe. Le nouveau président iranien entend bien réactiver la doctrine officielle de la jeune République depuis sa création en 1979 : « Comme l'a dit l'imam Khomeiny, Israël doit être rayé de la carte », a-t-il déclaré devant quelques milliers d'étudiants exaltés à l'occasion d'une conférence au thème sans équivoque « Le monde sans le sionisme ». D'un coup, la parenthèse réformatrice de la présidence de Mohammad Khatami (1997-2005) s'est effacée. Voilà l'Iran à nouveau plus radical que les Palestiniens, déterminé à redevenir le porte-voix du monde musulman, à préempter le leadership de masses déshéritées, humiliées et en colère. Dans ce rôle convoité, le président iranien choisit de parler comme les prédicateurs les plus extrémistes, encourageant la foule à vouer aux gémonies Israël, les Etats-Unis, et pour faire bon poids, promettant aux dirigeants arabes tentés de reconnaître l'Etat juif de brûler « au feu de la fureur de la communauté des croyants. »



Les condamnations internationales :

Par ailleurs, les condamnations se multiplient dans le monde après les propos du président iranien Mahmoud Ahmadinejad contre Israël.


Extraits :


Allemagne :

En Allemagne, Le ministère des Affaires étrangères estime
que « si ces propos ont effectivement été prononcés, ils sont inacceptables et à condamner avec la plus grande fermeté ». (Berlin, Déclaration à la presse, mercredi 26 octobre).


Pays Arabes :

Les capitales arabes gardent un silence prudent
, même si les propos du président iranien tenus mercredi devant un parterre d'étudiants faisaient les premières pages dans la presse.


Le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Aboul Gheit s’est abstenu lors d’un point de presse au Caire de condamner l’Iran mais il a souligné que l’Egypte et Israël étaient liés par des accords de paix. L’Egypte a-t-il aussi souligné « déploie un maximum d’efforts pour l’établissement d’un Etat palestinien indépendant sur les territoires de Cisjordanie et de Gaza, côte à côte avec l’Etat d’Israël dans ses frontières de 1967. »


Le négociateur palestinien Saeb Erekat a condamné jeudi les propos du président : « Ceci est inacceptable pour nous », a déclaré Saeb Erekat. « Nous avons reconnu l'Etat d'Israël et nous sommes en train de poursuivre un processus de paix avec Israël. » « Nous n'acceptons pas les déclarations du président de l'Iran. Ceci est inacceptable », a-t-il tenu à répéter (Associated Press, 27 octobre 2005).


Enfin, selon Le Monde (29 octobre), le chef du Hezbollah libanais, seyyed Hassan Nasrallah, avait bien d'autres choses à dire, vendredi 28 octobre, pour ne pas se sentir tenu d'évoquer, pour les commenter, les propos du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, qui veut qu'Israël soit « rayé de la carte » . Tirant à boulets rouges sur l'inanité, selon lui, des pays arabes et musulmans en ce qui concerne l'Irak et surtout la Palestine, il a singularisé la Syrie et l'Iran, « qui subit des pressions en raison d'une position idéologique ferme ». Dans une série de résolutions prises au nom de sa formation, en épilogue de son discours, il a réaffirmé ce qu'il a appelé « notre engagement envers nos frères en Palestine à tous les niveaux » et sa « foi » dans le fait que « Jérusalem redeviendra libre et dégagée de toute profanation sioniste ».


Belgique :

Karel De Gucht, ministre belge des Affaires étrangères : « La Belgique ne tolèrera jamais ce genre de langage haineux
et je ne cesserai de m'engager personnellement pour combattre » ces propos « totalement inacceptables ». « Cet incident porte sérieusement préjudice à la position internationale de l'Iran ». (Bruxelles, Communiqué, jeudi 27 octobre).


Canada :

Le premier ministre canadien Paul Martin a condamné avec fermeté, jeudi, la déclaration du président iranien Mahmoud Ahmadinejad
contre Israël, y voyant des vestiges racistes d'une époque révolue, rapporte la presse canadienne. Le gouvernement a également convoqué le principal diplomate iranien en poste au Canada afin de lui faire part de façon formelle du mécontentement d'Ottawa. « C'est inacceptable. C'est absolument incroyable », a déclaré M. Martin, dans la capitale fédérale, après avoir été interrogé au sujet des propos tenus par le président Ahmadinejad, qui a affirmé que l'Etat d'Israël devrait être rayé de la carte. « Ce genre d'absence de respect, d'intolérance, d'antisémitisme… nous sommes au 21e siècle, et cette déclaration sort tout simplement d'une époque révolue et n'aurait jamais être faite », a-t-il ajouté.


Espagne :

Miguel Angel Moratinos, ministre espagnol des Affaires étrangères a déclaré que l'Espagne exprime « dans les termes les plus tranchants son rejet »
de l'appel lancé par le président iranien à rayer Israël de la carte. L'Espagne a « convoqué de façon urgente » l'ambassadeur iranien à Madrid « pour lui réclamer des explications » (Madrid, Communiqué, jeudi 27 octobre).


Etats-Unis :

La Maison blanche fait savoir que les propos de Mahmoud Ahmadinejad « confirment simplement ce que nous avons dit sur le régime en Iran. Elles soulignent nos inquiétudes » sur les ambitions « nucléaires » de l'Iran
. (Washington, Déclaration à la presse, mercredi 26 octobre).


Le 30 octobre, l'ambassadeur américain à l'Onu, John Bolton, s'est ouvertement opposé à la visite que le secrétaire général de l'Onu Kofi Annan devrait effectuer en Iran, prochainement. « Nous espérons que le secrétaire général tiendra en compte tous les facteurs sur la décision d'assumer ou non cette visite », a annoncé M. Bolton.


La Chambre des Représentants et le Sénat des Etats-Unis ont adopté chacun une résolution contre l’Iran le 28 octobre pour avoir menacé la paix au Moyen-Orient et appelé à l’annihilation d’Israël. Le Sénat a « vigoureusement rejeté les sentiments anti-israéliens exprimés par le président iranien Mahmoud Ahmadinejad le 26 octobre 2005 », selon le compte-rendu parlementaire. Il a aussi appelé « le président [Bush], au nom des Etats-Unis, à rejeter vigoureusement, dans les termes les plus virulents possibles, la déclaration de M. Ahmadinejad. » La résolution du Sénat réaffirme que le département d’Etat a désigné l’Iran comme un Etat parrain du terrorisme qui « n’a cessé d’apporter son soutien à des actes de terrorisme international ». Elle dit également que « les déclarations inadmissibles de M. Ahmadinejad ne sont pas en accord avec les expressions des dirigeants palestiniens dans le processus de paix ». La Chambre des Représentants a adopté une résolution similaire vendredi condamnant les déclarations d’Ahmadinejad. Des parlementaires ont demandé que l’Iran soit expulsé des Nations Unies pour ses menaces (Iranfocus).


Europe :

Réunis à Hampton Court, près de Londres, les dirigeants européens « ont condamné de la manière la plus ferme les commentaires attribués au président iranien Ahmadinejad sur l'Etat d'Israël »
, explique L’Express, 27 octobre. « Les appels à la violence et à la destruction de n'importe quel Etat sont manifestement incompatibles avec la prétention d'être un membre mûr et responsable de la communauté internationale », ont-ils souligné. Ces commentaires sont source « de préoccupation pour le rôle de l'Iran dans la région et pour ses intentions futures », ont ajouté les dirigeants de l'UE, faisant allusion aux interrogations sur les ambitions nucléaires de Téhéran. Josep Borell, le président du Parlement européen, s'est dit « choqué, scandalisé et révolté » par les déclarations du président iranien.


France :

La France a été le premier pays à réagir.


Jacques Chirac a jugé les propos de M. Ahmadinejab « tout a fait insensés et irresponsables
, souligne Le Monde (29 octobre).


Philippe Douste-Blazy, ministère des Affaires étrangères a affirmé que la France condamne « avec la plus grande fermeté » les propos du président ultra-conservateur iranien « si ces propos ont effectivement été prononcés ». « Pour la France, le droit d'Israël à exister ne saurait être contesté ». « Le droit international s'applique à tous ». « J'ai donc demandé que l'Ambassadeur d'Iran à Paris soit convoqué au Quai d'Orsay pour obtenir des explications ». (Paris, Déclaration à la presse puis déclaration écrite, mercredi 26 octobre 2005).


Le Figaro (28 octobre 2005) rappelle que les représentants diplomatiques iraniens en Europe ont été convoqués. L'ambassadeur à Paris, Sadegh Kharrazi, s'est vu « rappeler que le droit d'Israël à exister ne peut pas être contesté » et que « la question du conflit israélo-palestinien ne saurait servir de prétexte à la remise en cause de ce droit fondamental ».


Grande-Bretagne :

Le premier ministre britannique a employé, jeudi, des termes très durs pour condamner les propos du président iranien. « S'ils -les Iraniens- continuent sur cette voie, les gens vont croire qu'ils sont une menace véritable pour la sécurité et la stabilité du monde», a déclaré M. Blair lors d'une conférence de presse... L'attitude iranienne « envers Israël, envers le terrorisme, et sur le problème des armes nucléaires, n'est pas acceptable », a-t-il ajouté. « S'ils continuent ainsi, la question que les gens nous poserons sera : « Quand allez-vous faire quelque chose ? » Imaginez un Etat tel que celui-là, avec une attitude telle que celle-là, avoir l'arme nucléaire », a insisté M. Blair (Le Monde, 28 octobre).


A Londres, le chargé d'affaires iranien a été convoqué au ministère des Affaires étrangères. Le Foreign Office a qualifié de « profondément inquiétants et écœurants » les propos de Mahmoud Ahmadinejad.


Iran :

Malgré le tollé international provoqué par sa diatribe de mercredi, Mahmoud Ahmadinejad a affirmé vendredi 28 octobre que ses propos appelant à « rayer Israël de la carte » étaient « corrects et justes ». Le jour même, se tient la «journée de Qods» (Jérusalem), Voulue par l'ayatollah Khomeiny et qui a lieu chaque année le dernier vendredi du mois de ramadan. L'objectif du père de la République islamique d'Iran était de faire part de l'esprit de solidarité des musulmans iraniens et de montrer leur détermination à «lutter contre l'oppression». Les participants n'hésitent pas à en rajouter dans la mise en scène : un cortège d'hommes habillés tout de blanc, visage et poitrine maculés d'encre rouge, est suivi par un énorme drapeau d'Irak. Plus loin, des cercueils factices enveloppés des drapeaux israéliens et américains sont traînés par terre et brûlés (Libération, 29 octobre).

Ceci étant, assure Libération (28 octobre 2005), « l'establishment religieux n'est pas sans s'inquiéter de la ligne ultra radicale d'Ahmadinejad, Cette défiance atteint par ricochet Khamenei, jugé responsable des agissements de son poulain. L'Assemblée des experts, dont les pouvoirs vont en théorie jusqu'à surveiller l'action du Guide suprême, a ainsi invité l'ex-président Khatami vieil adversaire d'Ahmadinejad à s'exprimer. Le Guide lui-même semble aujourd'hui se méfier de celui qu'il a fait accéder à la présidence. On peut lire ainsi sa décision de se dessaisir d'une partie de son droit de regard sur certaines affaires du pays au profit du Conseil de discernement, l'instance d'arbitrage du pouvoir, dont Hachémi Rafsandjani est le président. Il reviendrait donc à ce dernier, candidat malheureux contre Ahmadinejad à l'élection présidentielle, de surveiller les excès de son vainqueur. Ce qui apparaît déjà comme une mise sous tutelle. » Par ailleurs, ajoute Le Figaro (31 octobre 2005), même en Iran, les déclarations du président ont provoqué des remous. « Nous ne devons pas prononcer de paroles qui nous créent des problèmes économiques et politiques dans le monde », déclarait hier, dans une allusion transparente, l'ancien président Khatami. En fait, selon Mohammad Ali Abtahi, ancien conseiller de Khatami, les paroles d'Ahmadinejad étaient, avant tout, « destinées à une consommation domestique ». Aussi, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a-t-il tenté dimanche 30 octobre de banaliser ses déclarations réclamant qu'Israël soit « rayé de la carte », affirme La Libre Belgique (30 octobre).

Condamné par la communauté internationale, l'Iran est revenu samedi (29 octobre) sur les propos de son président selon lesquels Israël devait être « rayé de la carte », en assurant respecter ses engagements envers l'Onu et n'envisager aucun recours à la force contre un autre pays. « La République islamique d'Iran tient ses engagements à l'égard de la charte de l'Onu. Elle n'a jamais utilisé la force contre un autre pays ni menacé de recourir à la force », affirme un communiqué du ministère des Affaires étrangères (Reuters). Et, s'exprimant devant quelques centaines d'étudiants membres des milices islamistes de Téhéran, il s'est gardé de redire que l'Etat hébreu devait disparaître, propos qui ont valu à l'Iran la condamnation du Conseil de sécurité de l'Onu. Et il a paru essayer de minimiser la signification de ses déclarations: « Nous n'avons fait que répéter les paroles des 27 dernières années, qui exprimaient les positions de l'imam (Khomeiny), du Guide suprême (l'ayatollah Ali Khamenei) et de la nation musulmane. C'était très clair ». Parallèlement, l'Iran a accusé dimanche l'Occident d'exploiter les propos belliqueux de son président sur Israël pour accroître la pression sur Téhéran à propos de son programme nucléaire (Reuters, 30 octobre).


Israël :

Le chef Le chef de la diplomatie israélienne, Sylvan Shalom, a de son côté adressé des messages à ses homologues dans le monde pour leur demander d'agir « pour mettre fin aux incitations déchaînées de l'Iran contre Israël ».


L'ambassadeur d'Israël à l'ONU, Dan Gillerman, a transmis (le 27 octobre) aux autorités de l’ONU la demande de son gouvernement d'exclure l'Iran de ses rangs
, explique Radio Canada (27 octobre 2005). « Aucun État membre qui appelle à la violence, à la destruction, comme l'a fait hier [mercredi] le président iranien, ne mérite un siège dans cet organisme civilisé », déclare M. Gillerman dans une lettre adressée au secrétaire général, Kofi Annan, et au président du Conseil de sécurité, Mihnea Motoc.


Et, le 30 octobre, Israël a fustigé dimanche la future visite en Iran du secrétaire général de l'Onu Kofi Annan, affirmant que cela légitimerait l'appel du président iranien Mahmoud Ahmadinejad à « rayer Israël de la carte », a rapporté la Radio israélienne. « Cela (la visite de M. Annan) pourrait accorder une légitimité à un Etat qui demande la destruction d'un autre », a annoncé l'ambassadeur d'Israël à l'Onu, Dan Gillerman, cité par la radio.


Russie :

La Russie, pour sa part, a laissé percer publiquement son embarras
. Le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a qualifié les déclarations de Mahmoud Ahmadinejad d'« inacceptables », avant d'ajouter : «Je ne peux pas ne pas reconnaître que ceux qui insistent sur le renvoi du dossier nucléaire iranien au Conseil de sécurité de l'ONU bénéficient d'un argument supplémentaire.» Moins d'une heure plus tard, Lavrov se rattrapait en précisant que la position de la Russie, opposée à l'examen de la question nucléaire iranienne par le Conseil de sécurité de l'ONU, « n'avait pas changé », ajoute Le Figaro.


Suisse :

A Berne, le Département fédéral des affaires étrangères a convoqué le représentant iranien à Berne pour lui exprimer sa « surprise » au sujet de l'appel du président Ahmadinejad à "rayer Israël de la carte »
. « Il serait incompréhensible qu'un Etat membre des Nations unies puisse appeler à la destruction violente d'un autre Etat membre des Nations unies », a souligné dans un communiqué le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). S'ils reflètent la position officielle de Téhéran, la Suisse ne pourrait que les condamner (Télévision Suisse romande, 27 octobre 2005).


M. Fivat a rappelé au représentant iranien que la Suisse reconnaissait depuis 1948 le droit de l'Etat d'Israël à vivre en sécurité dans des frontières sûres conformes au droit international et qu'elle reconnaissait un droit égal au peuple palestinien à fonder son propre Etat.


ONU :

Le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan a exprimé jeudi sa consternation sur les propos du président iranien Mahmoud Ahmadinejad
qui appelait à « rayer de la carte » Israël. « En vertu de la Charte de l'ONU, tous les membres se sont engagés à ne pas recourir aux menaces ou à la force contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un Etat », a souligné M. Annan dans un communiqué publié par son porte-parole. « Il a rappelé qu'Israël est un membre de longue date de l'ONU avec les mêmes droits ou obligations de tout autre membre », a ajouté le communiqué (XINHUANET, 27 octobre).


Kofi Annan devrait néanmoins se rendre en Iran pour une visite officielle, très prochainement.

Marc Knobel