Alors que j'étais le délégué canadien aux travaux interparlementaires des Nations Unies, j'ai traversé une expo marquant la Journée de Solidarité annuelle au Peuple palestinien. Le thème central de cette expo était ce qu'on appelle "la Naqba " ou "la catastrophe" subie par le peuple palestinien, du fait de la refondation de l'état d'Israël.
Une fois de plus, les Nations Unies commémoraient ce 29 novembre, 64ème anniversaire de la résolution de l'Onu partageant la Palestine entre Juifs et Arabes, tout en continuant d'ignorer la détresse des réfugiés juifs (1).
Cet organisme mondial falsifie une fois de plus la loi et l'histoire au profit des Arabes, sachant que les pays arabes en 1947 ont non seulement rejeté le plan de partition et un état palestinien et sont partis en guerre pour éliminer l'état juif naissant, mais ils ont persécuté leurs nationaux juifs, vivant dans ces pays depuis des siècles, bien avant l'arrivée des Arabes.
Cette décision des pays arabes a entraîné deux populations de réfugiés: les arabes de Palestine que les armées arabes envahissantes ont incité à quitter leurs foyers pour les épargner dans leur guerre contre Israël, les juifs des pays arabes qui ont été chassés de leur patrie par les gouvernements arabes.
En effet, le rapport "les Réfugiés Juifs des pays arabes: leurs droits à réparation" témoigne et apporte une information sur la répression et les persécutions subies par ces Juifs en pays arabe – y compris des lois du type Nuremberg – dont les conséquences ont été la perte de nationalité et de passeport, les expulsions forcées, les biens sous séquestre illégal, les arrestations arbitraires et les détentions, la torture et les meurtres – très exactement des "pogroms".
Et l'histoire juive parle des pogroms des Juifs d'Europe, ignorant souvent ceux subis par les Juifs en pays arabo-musulman. De plus, comme le précise le rapport mentionné, la violation massive des droits de l'homme n'était pas seulement la conséquence du modèle d'oppression en usage dans les pays arabes, mais celle d'un projet prémédité, celui qui est contenu dans la Charte du comité politique de la Ligue arabe.
Ceci est une histoire qui doit être entendue, une vérité qui doit être aujourd'hui reconnue. A mon regret, les Nations Unies portent une immense et directe responsabilité dans la distorsion des faits historiques de ce qui s'est réellement passé au Moyen Orient, notamment dans le récit de la recherche de la paix.
Depuis 1948, on a compté plus de 150 résolutions de l'Onu traitant spécifiquement des réfugiés palestiniens, et aucune ne fait référence à la détresse des 850 000 Juifs chassés des pays arabes !
Aucun des pays arabes impliqués – ni aucun chef palestinien concerné – n'ont reconnu, ni exprimé un quelconque regret, pour avoir infligé des souffrances et des malheurs à ces Juifs des pays arabes, et, encore moins, ils n'ont manifesté une quelconque responsabilité.
Comment corriger cette injustice historique, qui suit son cours ? Quels sont les droits et les remèdes possibles sous les lois internationales humanitaires ? Et quels sont les devoirs t les obligations qui incombent aux Nations Unies, aux pays arabes et aux membres de la Communauté Internationale ? Pour répondre à ces questions, je propose un agenda d'action humanitaire mondiale en 9 points :
1- D'abord comme la justice est oubliée depuis fort longtemps sur ce sujet, il est urgent d'apporter les corrections sur le plan de l'information sur les souffrances subies par les Juifs des pays arabes et la vérité sur cet "exode oublié", dans l'histoire du Moyen orient depuis 64 ans.
2- Il faut apporter des compensations aux victimes juives des pays arabes, y compris les droits à la commémoration, à la réparation, à la vérité, à la justice, comme prescrit par les lois internationales sur les droits de l'homme.
3- Tout pays arabe ainsi que la Ligue arabe doivent reconnaître leur rôle et leur responsabilité dans cette double agression, d'avoir lancé une guerre d'agression contre Israël, et d'avoir violé les droits de l'homme dans leurs agressions contre leurs propres nationaux juifs. La culture de l'impunité doit prendre fin.
4- Le plan de paix de la Ligue arabe de 2002 – considéré par les pays arabes comme un projet pour une paix durable arabo-israélienne – doit incorporer la question des réfugiés juifs des pays arabes, question qui doit être incluse dans l'historique officiel, comme la question des réfugiés palestiniens est incluse dans la vision de paix des Israéliens.
5- Sur le plan international, l'Assemblée Générale des Nations Unies – dont le thème de la session à laquelle j'ai participé est la "responsabilité politique" --- et dans l'intérêt de la justice et de l'équité, doit inclure dans ses résolutions annuelles la référence aux réfugiés juifs des pays arabes, tout autant que les réfugiés arabes de Palestine. Le Conseil des droits de l'Homme de l'Onu doit aussi bien parler des réfugiés juifs que des réfugiés arabes. De même les agences de l'Onu qui traitent des compensations devraient également inclure les réfugiés juifs des pays arabes.
6- La commémoration annuelle du 29/11, journée de solidarité avec le peuple palestinien, aux Nations Unies, devrait être transformée en une Journée Internationale de Solidarité pour 2 peuples-2 états, comme prévu initialement par la résolution de partition de 1947, journée de solidarité avec tous les réfugiés provoqués par le conflit imposé par les pays arabes.
7- Toute juridiction concernant les réfugiés arabes de Palestine devrait être transférée de l'Unrwa au Haut Commissariat de l'Onu pour les réfugiés, car il n'y a aucune justification légale à ce jour pour la coexistence de deux entités distinctes pour traiter des réfugiés, encore moins quand une des entités créée s'est compromise par son incitation à la haine et son enseignement révisionniste au Moyen Orient.
8- Toute négociation bilatérale israélo-palestinienne – qui on l'espère mènera à une paix durable – devrait inclure la question des réfugiés juifs des pays arabes, à chaque fois qu'il est question des réfugiés palestiniens.
9- Dans toute discussion de paix au Moyen Orient, telle que le Quartet ou autre, toute mention explicite aux réfugiés palestiniens doit être accompagnée de la mention des réfugiés juifs des pays arabes
La négation et l'exclusion continue des droits des réfugiés juifs des pays arabes ne pourront que nuire à toute négociation authentique entre les parties et saboter la justice et la légitimité de tout accord. Ne nous méprenons pas sur ce sujet.
Quand il y a oubli, la vérité disparaît. Quand il n'y a pas de vérité, il n'y a pas de justice. Quand il n'y a pas de justice, il n'y a pas de vraie réconciliation. Et quand il n'y a pas de réconciliation, il n'y aura pas de paix, celle que tout le monde recherche.
Note :
(1) Plus nombreux que les réfugiés palestiniens, ayant beaucoup plus des exactions et pogroms arabes et ayant perdu des biens immenses, sans commune mesure avec les pertes des arabes de Palestine
Irwin Cotler est ex-ministre de la justice du Canada, membre du parlement canadien; professeur émérite de droit à l'Université Mac Gill, avocat international, conseil d'ONG israéliennes et palestiniennes.
Photo (Irwin Cotler) : D.R.