Le premier rapport du genre ?
Fin 2008, Jean-Frédéric Poisson (Yvelines) et André Flajolet (Pas-de-Calais) avaient rendu public un rapport sur ce thème, mais qui ne s’intéressait qu’aux profanations de « sépultures », car les profanations se multipliaient.
Triste litanie, en effet. Le 1er avril 2007, veille de la Pâque, 51 tombes juives du cimetière de Lille-Sud sont dégradées. Le 19 avril, 52 stèles musulmanes du cimetière militaire Notre-Dame de Lorette, près d’Arras, sont recouvertes d’inscriptions nazies. Les trois auteurs, âgés de 16 à 22 ans, ont été écroués. Deux jours plus tard, cinq jeunes sont pris en flagrant délit dans le cimetière Sainte-Marie, au Havre, après avoir eu le temps de profaner 180 tombes de toutes confessions. En ce milieu d’année 2007, la liste n’en finit pas de s’allonger. Dans la nuit du lundi 30 avril au mardi 1er mai, 114 tombes chrétiennes ont été vandalisées au Mesnil-sur-Oger, petit village de la Marne. Selon le procureur, des croix ont été descellées « pour être placées selon des rites sataniques », et un Christ « renversé et recouvert de peinture (2) ».
Nous nous retrouvons en décembre 2008.
Environ 500 des 576 tombes du carré musulman du cimetière militaire Notre-Dame-de-Lorette, situé près d’Arras (Pas-de-Calais), ont été profanées dans la nuit du dimanche 7 au lundi 8 décembre : de grandes lettres tracées à la peinture noire forment des inscriptions « insultant la religion musulmane et citant également nommément la ministre de la justice, Rachida Dati ». Entre une dizaine et une vingtaine des 60 « tombes israélites », situées dans le prolongement de celles du carré musulman, ont également subi des dégradations. C’est la troisième fois en deux ans que ce cimetière, où sont enterrés des combattants de la Première Guerre mondiale, est ainsi saccagé.
Cette succession d’actes de ce genre avait donc conduit le groupe UMP à confier à deux de ses députés, Jean-Frédéric Poisson (Yvelines) et André Flajolet (Pas-de-Calais), une mission sur la lutte contre ces profanations de sépultures, avec trois objectifs :
-Identifier les causes de cette recrudescence.
-Faire le point sur l’arsenal répressif.
-Proposer des solutions pour enrayer le phénomène.
C’est leur compte-rendu d’une trentaine de pages que La Croix du 8 décembre 2008 avait pu consulter, rapport qui avait été présenté le 11 décembre 2008 à l’Assemblée.
Premier enseignement : le phénomène, « relativement stable depuis une dizaine d’années », semble en hausse depuis le début de l’année 2008. Quant aux peines prononcées, elles apparaissent plutôt moins sévères aujourd’hui « qu’à la fin des années 90 » : les mesures ou sanctions éducatives et les peines de prison avec sursis ayant, partiellement, remplacé le recours à l’emprisonnement et aux amendes. Concernant les mobiles des auteurs de profanations, André Flajolet et Jean-Frédéric Poisson en distinguent quatre : « le vandalisme lié à la recherche de transgression, à la bêtise, à l’alcool, etc. ; le satanisme ou l’antichristianisme ; le racisme et l’antisémitisme », et enfin « le vol (métaux ou objets religieux) ».
Et depuis ?
Les dégradations de lieux de cultes et cimetières émaillent en effet ponctuellement la presse française. La semaine dernière (27 septembre - 3 octobre 2010), 36 sépultures musulmanes (Strasbourg) et une cinquantaine de tombes catholiques (Deux-Sèvres) ont été profanées. Le 22 juillet 2010, vingt-sept tombes juives ont été profanées dans le cimetière (juif) de Wolfisheim près de Strasbourg. Les auteurs des profanations se seraient introduits dans le cimetière en escaladant le mur d'enceinte. En janvier 2010 déjà, une trentaine de tombes du cimetière juif de Cronenbourg près de Strasbourg avaient été profanées, certaines taguées d'inscriptions fascistes et renversées. Le 29 juin ensuite, dix-huit tombes avaient subi le même sort dans le carré musulman du cimetière de la Robertsau cependant qu'aucune inscription n'avait été retrouvée sur les sépultures.
Or, « une profanation a lieu tous les deux jours en France depuis 2005 » selon le Figaro du 22 septembre 2010, qui s’appuie sur une note de la direction générale de la gendarmerie nationale recensant 184 dégradations de sépultures en 2009. Croix renversées et souillées de symboles nazis au sanctuaire dédié à la Vierge Marie à Saint-Loup (Jura), tombes et chapelle vandalisée au cimetière d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), statues arrachées dans l'église Saint-Géry de Valenciennes (Nord), lustres réduits en miettes et chemin de croix incendié à Saint-Pierre de Pouan-les-Vallées (Aube), classé et datant du XIIIe siècle. « Les faits perpétrés dans les cimetières sont pour l'essentiel des dégradations de stèles, d'ornementations et des inscriptions», note le rapport, qui précise que les profanations recensées par les gendarmes - qui couvrent 95 % du territoire - touchent «très majoritairement des tombes chrétiennes ou des églises ».
Dans les campagnes et en zones périurbaines, quelque 122 cimetières communaux et 34 lieux de culte catholique et 18 monuments aux morts ont été visés en 2009. Pas moins de cinq violations de tombeaux, dont deux exhumations ont été à déplorer. «Les départements du Bas-Rhin (11 faits), la Somme (9 faits), l'Ille-et-Vilaine (7 faits) et enfin la Gironde, le Gard et les Vosges (6 faits) concentrent le plus grand nombre de profanations», précise le document, qui détaille ainsi une série de périodes à risques. Ainsi, les profanateurs passent plus volontiers à l'action le 30 avril qui est à la fois l'anniversaire d'Adolf Hitler et de la fondation de l'Église de Satan aux États-Unis. Des pics sont aussi observés le 31 octobre, fêtes d'Halloween et jour de l'An sataniste, mais aussi lors des dates des solstices et d'équinoxes. Plus globalement, 50 % des actes de vandalisme se produisent le week-end et sans témoin, ce qui rend les investigations difficiles.
L'année dernière, les gendarmes ont cependant réussi à résoudre une cinquantaine d'affaires et à confondre 106 profanateurs présumés. En décryptant leur profil, la note de la DGGN révèle que 83 % d'entre eux sont des mineurs et que 79 % sont de sexe masculin. Certains n'ont reculé devant aucune limite, allant jusqu'à improviser le 18 juillet dernier un rodéo à scooter dans la nef moyenâgeuse de l'église d'Échillais, près de La Rochelle, où un Christ en croix du XVIIe siècle gisait au milieu du chœur, démantibulé (3 - 4)
Comment se fait-il que des jeunes soient attirés par le néonazisme ?
On dit souvent que les auteurs des profanations sont de jeunes néonazis et l’on s’étonne et/ou se demande souvent (et à juste titre) comment de très jeunes gens peuvent entrer subitement dans le giron du néonazisme ? Plusieurs explications peuvent être données et de nombreuses analyses ont été faites sur le sujet. Mais, comme il n’est pas possible dans ce court document de parler longuement de ce sujet, nous retiendrons quelques pistes sommaires.
Une sorte de « sous culture » misérable, mais pas forcément pauvre, se réfugie notamment dans le virtuel glauque, le rock métal. Elle se nourrit généralement de salmigondis apocalyptiques, largement infectés par les virus racistes et antisémites d’une idéologie de la « suprématie blanche » que colportent une multitude de prétendues « églises (suprématistes ou satanistes) », et de groupuscules et de bandes de skinheads.
Les skinheads ont notamment fait l’objet de grandes enquêtes et de milliers d’articles dans la presse, de rapports émanant d’organisations antiracistes, de monographies, de nombreux programmes de télévision, et même de films, « skinheads », et « Hail the new dawn ». Toutes ces enquêtes montrent que les skins sont très jeunes, entre treize et vingt-cinq ans, ils portent blue jeans, T-shirts « White power », bretelles rouges et chaussent de grosses bottes ou bottines. Ils sont issus pour la plupart de familles brisées et sont confrontés en permanence à une grande violence familiale. Lorsqu’ils sont interrogés sur le sujet, les skins évoquent d’ailleurs le manque d’affection paternelle. Le reste n’est que haine. Très vite, les jeunes s’identifient et idéalisent le nazisme qu’ils découvrent en regardant séries et films ou en lisant de grossiers fanzines et quelques bandes dessinées. Le nazisme apparaît à leurs yeux, comme une quête « purificatrice ». Devenus (néo)nazis, mais de pacotille, habillés de T-shirts et décorés par des têtes de mort, à leur tour ces jeunes déséquilibrés voudront jouer aux « petits soldats ».
Le résultat est là :
La violence perpétrée par les skins ces trente dernières années a causé la mort de dizaines d’individus et des milliers d’agressions racistes et antisémites sont à mettre à leur actif en Europe et en Amérique du Nord.
Et le satanisme ?
Au début des années 80, des formations « musicales » comme Megadeth et Slayer se signalent et flirtent avec des thèmes terrifiants. Megadeth a eu sa ration de polémique quand Andy Merrit, un jeune fan de quinze ans de Houston, tua sa mère pendant qu’il écoutait la chanson Go to Hell (Va en Enfer). Merrit expliqua que le Diable lui était souvent apparu lorsqu’il écoutait la musique de Megadeth, et qu’il lui avait dit d’en finir avec sa mère. Pour sa part, le groupe Slayer débuta en 1984 avec un album cruel et sec : Show no mercy (Ne montre aucune pitié). Les membres du groupe prenaient souvent des poses fascistes et nazies, reprises par la suite par un nombre important d’adeptes, parmi les groupes de metal les plus obscurs. L’une de leur chanson, Angel of death, dédiée à Joseph Mengele, n’aident pas à dissiper les soupçons sur leur possible néo-nazisme, extraits : « Auschwitz, la signification de la douleur, la raison pour laquelle je veux que vous mouriez. Mort lente, immense détérioration (…) Quatre cent mille de plus vont mourir. Ange de la Mort. Chirurgien sadique du trépas. Sadique de la plus noble lignée. Détruisant sans pitié au bénéfice de la race aryenne… » Slayer a continué à vomir sa furie et à lancer de violentes diatribes jusqu’à nos jours, il est relayé aujourd’hui par d’autres groupes et chanteurs.
Des pays anglo-saxons et nordiques arrivaient aussi des nouvelles de rivalité entre groupes (Metal Christ Agny, Dark Funeral, Demonic, Impaled Nazarene, Infernum) dont les fans brûlaient les Eglises ou les Temples en hommage à leurs groupes favoris. D’autres formations comme Dimmu Borgir exaltaient leur aversion du judéo-christianisme ; se collaient au satanisme (Infestead, Mactatus ou les Norvégiens de Crest of Darkness) ; évoquaient le nazisme (Panzer Division) ou pouvaient avoir un effet pervers sur la jeunesse, comme Angel Dust, dont l’une des chansons, « Bleed » parlait de quelqu’un qui devient fou, qui s’enferme petit à petit dans une horreur quotidienne, sur laquelle il n’a pas de prises. Il faut également mentionner que sur l’Internet, les sites satanistes sont légions et leur influence est de plus en plus importante chez les adolescents. Les différents sites affiliés à l’Eglise de Satan, fondée par Anton Szandor La Vey, sont traduits en différentes langues et les textes sont d’une incroyable perversité.
L’influence du satanisme en France
En France, en décembre 2002, huit jeunes sympathisants néonazis qui s’adonnaient à des cérémonies sataniques sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Toulon. Les prévenus, âges de 20 à 23 ans au moment des faits, répondent de violation à caractère raciste de sépultures, d’apologie d’atteintes volontaires à la vie, ainsi que de provocation à la haine raciale. Ils sont tous fils de bonne famille, ayant pour la plupart réussi leurs études.
Ce qui apparaissait au départ que comme la triste dérive de jeunes gens névrosés cherchant à fuir leur ennui dans de morbides cérémonies sataniques, va se révéler au fil de l’enquête autrement plus grave. C’est en fait un réseau propagandiste d’adorateurs d’Hitler et de Satan que le magistrat va découvrir.
L’affaire commence dans le Var de la manière la plus anodine. En septembre 1996, les employés d’une entreprise de débroussaillement mettent au jour une cache aménagée dans un ancien blockhaus allemand. Un gros sac en plastique, dissimulé là, contient un crucifix, des brûlots néonazis. Les murs du blockhaus sont couverts d’inscriptions racistes haineuses et de peintures représentant une croix gammée et un cercueil. Il s’agit d’une référence claire à un dossier particulièrement sordide alors également instruit dans le département : la profanation d’une tombe. Les auteurs après avoir exhumé le cadavre, ont mutilé les restes de son visage à coups de marteau avant de lui planter une croix inversée dans le thorax.
Un an plus tard, les coupables sont arrêtés, une importante documentation est trouvée provenant de sites satanistes sur l’Internet. Deux jeunes filles, dont une mineure, font partie du groupe. L’aînée confiera aux enquêteurs médusés qu’elle aimait boire le sang humain de ses amis au cours des cérémonies diaboliques. Des perquisitions permettent d’établir que les principaux membres du groupe ont aussi opéré loin du Var. Un membre du groupe avouera ainsi être l’auteur de profanations commises en Alsace. Sa forte personnalité a inspiré un adepte local de ces macabres messes noires qui venait d’assassiner de 33 coups de couteau un curé, le père Jean Uhl.
Conclusion provisoire
On retiendra que tous ces adolescents et jeunes gens étaient psychologiquement fragiles. Mais, parlera-t-on suffisamment de ces marchands de violence et de chaos qui concourent à transformer des adolescents en tueurs froids et insensibles ?
De toute manière, les enquêtes détermineront ce qu’il en est de ces énièmes profanations. Sont-elles le fait de jeunes délinquants ou de satanistes ou de skinheads et de néonazis ? Ce qui est sûr, c'est que les profanateurs cherchent à attirer l’attention des médias et à faire parler d’eux. Nous espérons seulement qu'ils seront interpellés au plus vite et que les peines qui seront prononcées contre eux, seront extrêmement lourdes.
Notes :
famillechretienne.fr. 28 septembre 2010
La Croix,, 4 mai 2007
Le Figaro, 22 septembre 2010 et famillechretienne.fr.du 28 septembre.
La Croix, 4 octobre 2010.
Photo : D.R.