Bien sûr, d'un point de vue politique, les choses ne sont jamais simples dans cette région du monde, dont il est devenu une habitude de dire, souvent dans l'exagération, qu'elle est une poudrière. A l'évidence, des forces belliqueuses, on le sait, ne cessent de menacer les espaces démocratiques, celui de l'Etat d'Israël en particulier, ceux aussi de l'Europe ou des Etats-Unis. Il ne faut être ni naïf, ni faible face à ces menaces, d'autant plus réelles qu'elles sont clairement affichées.
Il n'est pas moins vrai que de nombreuses forces vives, celles des sociétés civiles, sont heureusement activement à l'œuvre dans cette région comme dans d'autres pour nouer des dialogues, promouvoir des échanges, porter des projets, constructifs et fraternels.
L'espoir et l'audace nous commandent donc, aujourd'hui, d'aller plus loin en ce qui concerne les relations avec Israël. Au-delà de toutes les difficultés diplomatiques ou institutionnelles, le vrai visage d'Israël, de sa société, composite et vivace, de ses talents, nombreux et trop méconnus, doit être découvert par davantage de citoyens, français et européens.
Les biais, raccourcis et préjugés sont d'ailleurs réciproques: ils ont également cours en Israël, en ce qui concerne la France et l'Europe, dont l'image reste parfois encore déformée, les initiatives européennes étant trop considérées comme non fiables, non courageuses ou pas assez crédibles.
C'est pour contrer les incompréhensions mutuelles, c'est pour que les sociétés aillent plus fortement à la rencontre l'une de l'autre, pour mieux s'apprécier et même s'aimer, que la Fondation France-Israël a porté ces derniers mois un projet de grande dimension et à haute valeur symbolique, qui aboutit avec succès aujourd'hui, à Paris, par le lancement de la "Maison commune Europe-Israël".
Un appel à chasser les préjugés
Un projet qui reçoit un soutien du plus haut niveau: le Président de la République, Nicolas Sarkozy, et le Président de l'Etat d'Israël, Shimon Peres, ont communément décidé de soutenir cette initiative, qui vise à réunir dans des actions concrètes les structures "sœurs" de la Fondation France-Israël, homologues ou comparables dans les autres pays européens, les associations qui contribuent à renforcer les liens de coopération et d'amitié entre les sociétés européennes et la société israélienne.
L'ancienne Présidente du Parlement Européen, Simone Veil, a accepté de présider le comité d'honneur de ce projet, comité qui comprend aussi la présence de Jorge Semprum et d'Avi Pazner. Les représentants de fondations ou associations d'une dizaine de pays européens ont d'ores et déjà, en ce jour de lancement, pris date à Paris pour agir ensemble dans les prochains mois, concrètement, dans quelques grands domaines, sociaux ou culturels par exemple, donnant ainsi une substance réelle à cette "Maison commune Europe-Israël".
Au-delà des projets et des actions, le symbole est bien sûr très fort, il sonne pour toute l'Europe comme un appel à dépasser les incompréhensions, à déjouer les désinformations, à chasser les préjugés, encore trop nombreux de part et d'autre. Il s'agit aussi pour l'Europe, et grâce à cette impulsion de la France, et avec le soutien du Ministre des affaires étrangères espagnol (pays qui exerce la présidence de l'Union Européenne), de donner un autre visage d'elle-même.
Alors que des doutes se font jour ici ou là, la place de l'Europe dans cette région du monde n'a aucune raison de suivre la mauvaise pente de la fatalité historique qui, jusqu'ici, n'a offert à l'Union Européenne qu'un rôle secondaire.
Oui l'Europe, et en son sein la France, qui y contribue grandement, se doit de lever la tête et, par une audace nouvelle, faire mouvement, surmonter les obstacles que les autres (et souvent elle-même) ont érigé sur son chemin. A elle de faire désormais ses preuves, en commençant par faire des gestes. Placé sur le terrain non pas politique mais des sociétés civiles, le geste fort de la "Maison commune Europe-Israël", dont les fondements sont établis aujourd'hui, est de ceux qui ont non seulement une portée symbolique mais un sens à valeur historique. Les solidarités euro-israéliennes doivent être renforcées et elles le seront.
Bien sûr, le réalisme politique, les exigences ou pesanteurs qui l'accompagnent, n'a sans doute que faire des bonnes intentions. Mais il est des avancées, apparemment modestes, de nature à faire bouger les lignes, y compris celles qui semblent les plus figées.
Face aux lignes de l'ignorance, qui peuvent rejoindre les lignes redoutables de l'intolérance, il est bien du devoir des responsables français et européens, à commencer par ceux des sociétés civiles, d'écrire les lignes de la connaissance mutuelle, qui aboutissent naturellement aux lignes de l'amitié et de la fraternité. Tout le monde a bien conscience qu'il est de la vocation de la France et de l'Europe de prendre des initiatives, de provoquer une percée, y compris et en fait surtout là où les positions se durcissent, y compris et surtout au moment où trop d'incompréhensions s'accumulent. C'est pourquoi la " Maison commune Europe-Israël" est ainsi lancée. Pour prendre date avec l'histoire et défier tous les mauvais présages."
Nicole Guedj, présidente de la fondation France-Israël (article publié sur lexpress.fr, jeudi 15 avril 2010)
Photo : D.R.