Après le « printemps arabe », « l’été israélien », ont pu titrer un certain nombre de journaux à la suite du mouvement de protestation, pour plus de justice sociale qui a débuté à Tel-Aviv, à la mi-juillet. Le titre est bien trouvé, mais comparaison ne vaut pas raison ; certes ce mouvement a été spontané, sans chef reconnu et, comme dans les pays arabes, il a débuté et s’est développé grâce aux réseaux sociaux qui se sont avérés être de formidables outils de mobilisation ; certes c’est la jeunesse, les vingt cinq- trente cinq ans, issus des classes moyennes, étudiants ou déjà installés dans la vie familiale et professionnelle qui a inventé de nouvelles formes de protestation en installant des tentes sur le boulevard Rothschild à Tel-Aviv et qui manifeste pour réclamer un changement radical de la politique sociale du gouvernement.
Mais la comparaison s’arrête là : Israël est une démocratie, avec un parlement élu, un gouvernement représentatif d’une majorité de la population et le boulevard Rothschild n’est pas la place Tahrir au Caire. Il n’y a, donc, pas de dictateur à renverser et pas plus d’armée ou de forces de police à lancer contre des manifestants pacifiques. Vision stupéfiante pour les français que nous sommes, deux cent mille personnes ont pu manifester à Tel-Aviv, trois cent mille dans tout le pays, en l’absence de toutes forces de police, à l’exception de quelques policiers chargés de détourner la circulation sur le chemin des manifestations, alors qu’à Paris, il arrive qu’il y ait plus de policiers que de manifestants !!!! Je dois vous dire que cela faisait chaud au cœur de voir toute cette jeunesse défiler, hommes, femmes, enfants, certains dans leur poussettes, toutes tendances confondues. Elle envahissait les rues, cette jeunesse qualifiée souvent d’enfants gâtés, de bobos privilégiés, ces jeunes moqués par Lieberman qui les a traités de « fumeurs de narguilé, de joueurs de guitare, de mangeurs de sushis ». Ils ont fait preuve d’une grande inventivité dans leurs slogans, dans les formes nouvelles qu’ils ont données à leurs manifestations, ils ont réussi la plus puissante mobilisation sociale qui ait jamais eu lieu dans ce pays. Pensez donc les derniers mouvements sociaux de masse remontent aux années 70 !!
Plus de 80% de la population soutient leurs revendications pour plus de logements, de crèches, de garderies à des prix accessibles pour des jeunes ménages, pour plus de justice sociale, pour un partage plus équitable des ricS.s. Le taux de chômage est faible en Israël mais l’écart, entre les revenus les plus hauts et les plus bas, est un des plus importants parmi les pays développés. Le prix des loyers a flambé, on ne construit plus de HLM depuis longtemps déjà, le salaire de début dans certaines professions est de 4200 shekels alors qu’il faut payer 3000 shekels pour mettre son enfant dans une crèche, un interne en médecine, ils sont en grève, est payé 20 shekels de l’heure, moins de cinq euros et tout est à l’avenant.
Benyamin Netanyahou, a mené une politique ultralibérale, l’économie est prospère mais les couches populaires et les couches moyennes en ont fait les frais, à la suite des privatisations et des coupes budgétaires brutales dans les domaines, entre autres, de l’éducation et de la protection sociale. Il a nommé une commission, chargée d’étudier les revendications, pour proposer des réformes. On sait très bien à quoi servent les commissions, en fait il joue l’épuisement du mouvement, il espère qu’il va finir par s’affaiblir sous le coup de dissensions internes entre les responsables ou simplement que, la fatigue aidant, chacun repliera sa tente.
Peut être se trompe t’il, il y aura samedi prochain, de grandes manifestations dans tout Israël, et les responsables du mouvement voudraient réunir un million de personnes !!!
Attendons donc samedi, mais quels que soient, les résultats du dialogue instauré à travers la commission gouvernementale, cette mobilisation laissera des traces, elle sera, peut être, à l’origine d’un renouveau de la politique israélienne, d’une politique plus sociale. Un pays en guerre quasi permanente, dans lequel les jeunes font trois années de service militaire, et qui sont appelés, de surcroit, chaque année à faire des périodes d’un mois, à l’armée, ne peut se permettre de mener une politique inégalitaire. Rétablir la justice sociale, réduire les inégalités, c’est revenir aux idéaux des pères fondateurs qui ont présidé à la construction de ce pays depuis la première Aliah et qui lui ont permis de résister à ses ennemis et de se développer.
Chronique politique du 1er septembre 2011, Judaïques FM 94.8
Photo : D.R.