Les horreurs commises depuis deux mois par le régime syrien contre les manifestants qui demandent la liberté n’avaient guère jusqu’à présent suscité en France la mobilisation qu’elles exigent.
On ne peut d’ailleurs que s’étonner de l’étrange passivité à l’égard des formidables mouvements pour la démocratie dans le monde arabe dont font preuve ici les habituels activistes de la protestation. Mais passons.
Toujours est-il que depuis quelques semaines, à coups de marche et de rassemblement, la petite communauté des exilés syriens tentait avec une belle ténacité de susciter la solidarité. En dépit du faible écho que rencontraient leurs initiatives, ils ont persisté, et persisté encore. Ils sont de tous âges, d’opinions politiques diverses, mais tous défenseurs ardents de la démocratie.
On croise parmi eux des opposants de toujours, comme la grande figure de la gauche syrienne qu’est Abdel Hamid Attassi, des intellectuels, des étudiants, beaucoup de femmes… A force de se démener pour contacter la presse, les associations des droits de l’homme, les politiques, ils ont décroché quelques interviews dans les médias et ont obtenu l’appui de quelques réseaux militants.
Il était inévitable que nous nous rencontrions. Nous avons eu de longues discussions avec certains, nous nous sommes mutuellement découverts. Nous avons réfléchi ensemble à la manière d’amener de nouveaux renforts pour la mobilisation.
Et c’est ainsi que Dominique Sopo, le président de SOS Racisme, a été invité à exprimer sa solidarité lors d’un petit rassemblement le 21 mai. Puis est venue la décision de chercher le soutien de la Règle du Jeu, qui justement avait depuis des semaines entrepris de l’apporter. De bien étranges défenseurs de la cause syrienne (parmi lesquels quasiment aucun… Syrien) ont alors tenté de s’y opposer : “On n’a rien à faire avec les Jui.. euh, avec les sionistes !”, ont-ils asséné aux amis exilés.
Lesquels ont rétorqué que les foules qui descendaient dans la rue à Deraa ou Homs s’opposent à Bachar Al-Assad et que cela n’a rien à voir avec le conflit israélo-palestinien. Ce qui leur a évidemment valu d’être traités de traîtres et vendus. Le gang Al-Assad ne dit rien d’autre, qui dénonce la “main de l’étranger” depuis le début des manifestations revendiquant la démocratie. On connaît. Et ça n’a pas empêché de lancer un rassemblement ce dimanche 29 mai à Paris sur le Parvis des droits de l’homme. Un rassemblement qui cette fois est organisé à la fois par l’Appel de Damas (regroupement historique de l’opposition démocratique syrienne), le Collectif Urgence Solidarité Syrie et par la Règle du Jeu et SOS Racisme, avec l’appui d’un grand nombre de personnalités.
Le magnifique héroïsme des manifestants qui risquent leur vie pour la liberté en Syrie nécessitait cette jonction : nous serons plus forts désormais pour faire résonner ici leur combat.
(Article publié sur La Règle du Jeu, le 25 mai 2011)
Photo (Dominique Sopo, président de SOS Racisme, au rassemblement de soutien à la Syrie, parvis Droits de l'homme, Trocadéro, Paris, le 21 mai 2011) : D.R.