Tribune
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Publié le 7 Septembre 2011

Territorialement parlant … par Dore Gold, ancien Ambassadeur d’Israël aux Nations Unies

Ce texte est publié dans la rubrique Tribunes Libres réservée aux commentaires issus de la presse. Les auteurs expriment ici leurs propres positions, qui peuvent être différentes de celles du CRIF.




Au lendemain de l’attentat terroriste du 18 août, le long de la frontière israélo-égyptienne, qui a fait huit morts israéliens, il y avait de multiples raisons pour que le gouvernement israélien opte pour une politique de retenue au lieu de lancer une vaste opération de représailles dans la bande de Gaza.



La situation politique intérieure en Egypte, depuis la chute du président Moubarak, était fragile, alors même que le gouvernement égyptien était dirigé par un Conseil militaire suprême dirigée par le général Tantawi.



Une opération israélienne, peu importe qu’elle fût légitime, aurait pu être utilisée par les Frères musulmans pour saper le gouvernement actuel, et même menacer son effondrement.



Auquel cas, la pression aurait pu pousser le gouvernement égyptien a répondre aux appels de la rue égyptienne en vue d’annuler le traité de paix entre les deux pays. En tout cas, Israël a agi. Il a éliminé le leadership de l’organisation qui a lancé l’attaque, les Comités de résistance populaire, même s’il n’a pas affecté l’arsenal de roquettes à Gaza qui a été utilisé contre le sud d’Israël.



La réponse israélienne a servi encore une fois a rappeler les contraintes de tout gouvernement israélien qui doit répondre au terrorisme émergeant depuis la bande de Gaza.



Lorsque l’ancien Premier ministre Ariel Sharon a conçu son plan de désengagement en 2005, il avait incontestablement des conseillers militaires qui lui disaient que si les organisations palestiniennes venaient à lancer des attaques terroristes à partir du territoire d’où Israël se retirait, il serait pleinement justifié d’y répondre avec la toute-puissance de Tsahal, dont ils [les Palestiniens] étaient parfaitement au courant.
En effet, ces dernières années, il y a eu un certain nombre d’anciens officiers israéliens dont la flexibilité publique sur la question territoriale se justifiait par leur connaissance de l’énorme puissance militaire et la mobilité des formations blindées de l’armée israélienne et leur capacité à se déplacer en profondeur dans le territoire de l’adversaire, si cela était nécessaire, pour éliminer une menace contre Israël. Si cela était nécessaire l’empressement d’Israël à agir, qui doit être raisonné, lui serait fourni par la force de dissuasion, même si il se retirait sur des frontières problématiques, comme les lignes de 1967.



Mais la réalité s’est avérée plus compliquée.



L’armée israélienne avait toutes les raisons de mener une opération d’envergure dans la bande de Gaza dans l’année qui a suivi le désengagement, compte tenu du fait que les attaques à la roquette contre Israël n’avaient pas diminué après le départ des derniers soldats israéliens. En fait, les attaques à la roquette sur Israël ont augmenté de façon stupéfiante de 500 pour cent entre 2005, l’année où Israël s’est retiré alors que 179 roquettes avaient frappé Israël, et 2006, lorsque le nombre d’attaques à la roquette avait grimpé à 946.



Et pourtant Israël n’a pas pris de mesures décisives à l’époque.



Trois facteurs ont contribué à freiner les réponses israéliennes depuis 2005. Aujourd’hui, comme indiqué précédemment, les relations d’Israël avec l’Egypte qui doivent compter comme un facteur dans le calcul d’Israël. Certes, il y a un intérêt continu à ne pas détourner l’attention du monde arabe loin de ses préoccupations actuelles à débarrasser la Syrie de la brutalité du régime Assad et revenir à la question palestinienne (ce changement serait dans l’intérêt de l’Iran qui veut sauvegarder son allié, Bachar al-Assad). Relevons qu’il y aura toujours un ensemble de considérations régionales qui affecteront la réponse militaire d’Israël quand ses civils sont pris pour cibles.



La deuxième considération est la réaction internationale à une réponse israélienne: la communauté internationale tend à inverser la causalité des conflits d’Israël, accusant la réponse d’Israël sans condamner le terrorisme qui l’a suscité. Sous le président Bush, dont la vision du monde a été moulée par le 9 / 11, ce fut moins un problème. Mais sous le président Obama, c’est une question beaucoup plus compliquée. Il a même intensifié la guerre contre le terrorisme dans des endroits comme le Pakistan, mais il a donné plus de poids à la formation d’un consensus international avant que les Etats-Unis ne formulent leur position sur le Moyen-Orient, ce qui rend beaucoup plus importantes les réactions européennes vis-à-vis de Washington, si Israël est contraint d’agir.



Enfin, il y a la leçon du rapport Goldstone à l’ONU, dans laquelle Israël a été faussement accusé d’avoir commis des crimes de guerre, comme le meurtre délibéré de civils palestiniens. Goldstone avait déjà renoncé à cette conclusion de principe dans son rapport. Néanmoins, toutes les épreuves difficiles qu’Israël a subies avec les résolutions répétées au Conseil des droits de l’homme à l’ONU et ensuite à l’Assemblée générale des Nations Unies ont illustré combien cela pourrait devenir politiquement compliqué de re-pénétrer en territoire peuplé, même dans une guerre légitime contre les organisations terroristes qui ont tué des civils israéliens.



La leçon de ces expériences est qu’Israël ne doit jamais se mettre dans une position dans laquelle sa sécurité reposerait sur l’hypothèse qu’il aurait à rentrer dans les territoires dont il s’est retiré, afin de faire face aux menaces contre ses civils.



Même aujourd’hui, il y a ceux qui suggèrent qu’Israël pourrait réintégrer la vallée du Jourdain, après qu’il se soit retiré, si une nouvelle menace émergeait du front oriental. Compte tenu de l’incertitude totale quant à la stabilité future de nombreuses parties de la region à l’est d’Israël, ce serait une erreur fondamentale pour lui de fonder sa sécurité sur une telle hypothèse. Dans tous les accords de paix future, Israël doit conserver des parties vitales de la Cisjordanie dont il a besoin pour sa sécurité et non pas simplement supposer que cela pourra simplement être repris si un besoin de sécurité s’impose.



Dans l’année à venir, les Palestiniens devraient obtenir un Etat indépendant qui sera reconnu par la communauté internationale, malgré le fait que celui-ci accueille des organisations terroristes internationales qui lancent toujours des attaques contre Israël, ce qui pourrait impliquer que les opérations de Tsahal auront à franchir une frontière internationale, et déclencher alors l’intervention du Conseil de sécurité de l’ONU.



Sur le plan juridique, Israël sera fondé à invoquer l’article 51 de la Charte des Nations Unies et son droit à l’auto-défense, mais sur la base de l’expérience, les intérêts politiques de ceux qui vont juger ses actes prévaudront sur tous les arguments juridiques que les représentants israéliens seront en mesure d’aligner.



C’est une situation politique difficile qu’Israël doit éviter …



Photo (Dore Gold): D.R.



Source : Israël chronique en ligne



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