Je vous ai écrit le 13 janvier dernier pour vous faire part de mon étonnement devant le manque presque total d’informations dans Le Monde concernant la vague d’agressions et autres actes antisémites qui avaient lieu en France à ce moment-là.
J’y ajoutais que je remarquais également le silence total du Monde au sujet de plusieurs manifestations de rue, souvent ultra violentes, à Paris à ce même moment et au cours desquelles certains parmi les dizaines de milliers de personnes présentes défilèrent aux cris de « Morts au Juifs » avant de s’en prendre aux forces de l’ordre. Ces dernières procédèrent à des centaines d’arrestations suite à des jets de projectiles, bris de vitrines, vols, pillages et incendies volontaires.
J’en avais conclu: « Je lis votre journal depuis 50 ans cette année. Je suis effaré par de tels faits de rétention de l’information, bien évidemment pour des motifs de partialité, qui font honte à ce qui était le plus beau titre de la presse française, entre autres, grâce à l’impartialité de ses reportages. »
Vous m’avez répondu le lendemain « Vos remarques m’ont intéressée. Je m’en souviendrai si une occasion m’est donnée de consacrer une chronique à ce sujet. »
Si je me permets de vous réécrire (ayant bien lu « Crispations » en date du 12 courant), c’est parce que je remarque dans le Monde de ce soir (daté du 15 décembre) une dépêche tout ce qu’il y a de plus justifiée sur la profanation d’une mosquée à Castres.
Mais par contre, pas un seul mot sur les déclarations faites hier par le ministre de l’Intérieur, M. Hortefeux, selon lesquelles, le nombre d’actes antisémites ont plus que doublé en France au cours des neufs premiers mois de cette année comparé à 2008 (704 faits antisémites contre 350 en 2008). « L’augmentation constatée en 2009 est «en partie clairement liée à la situation internationale», notamment l’exacerbation du conflit israélo-palestinien en janvier, selon le ministre », écrit l’AFP.
Quel crédit moral peut-on accorder à une publication qui rapporte régulièrement et d’une manière tout à fait justifiée moralement et professionnellement les agressions racistes subies par une partie de la population, mais qui ignore royalement les agressions subies par un autre groupe ? Est-ce parce que les agressions subies par les uns sont le fait des autres et que votre journal ne veut toujours pas admettre que les victimes du racisme peuvent être elles-mêmes des racistes ?
Ce qui est certain, c’est que la vérité et vos lecteurs sont parmi les victimes de cette cécité.
Bien à vous,
Bernard Edinger
Photo : D.R.