Tribune
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Publié le 13 Janvier 2014

Affaire Dieudonné : la République et le rire obscène

Par Roger-Pol Droit , philosophe et écrivain

 

Quand la haine se déguise en humour, que le rire devient obscène, quand l’abjection se drape dans la liberté d’expression, nos sociétés démocratiques se révèlent fragiles, écrit pour les "Échos" le philosophe Roger-Pol Droit.

 

En quelques jours, l’affaire Dieudonné est devenue nationale. Ministres, préfets, magistrats, juristes, médias, réseaux sociaux, conversations privées se retrouvent mobilisés par Dieudonné et son antisémitisme. Désormais omniprésentes, les questions soulevées semblent à la fois très simples et fort embrouillées. Il est aisé de voir que sont inacceptables la négation des chambres à gaz, la dérision des massacres nazis, le soutien aux lois antijuives de Vichy. Interdire, donc. Surgissent aussitôt les complications : moyens légaux incertains ou faibles, risque de transformer ce délinquant en héros d’un feuilleton médiatique qui le starifie au lieu de le bannir et dont on ne joue sans doute que les premiers épisodes. Pourtant, à l’arrière-plan, d’autres leçons se profilent, qu’il convient de tirer.

D’abord, la grande vulnérabilité des sociétés démocratiques face à ce genre de situation. Quand la haine se déguise en humour, quand le rire devient obscène, quand l’abjection se drape dans la liberté d’expression, cette fragilité devient visible. Relative, sans doute, car il existe effectivement un arsenal de lois. Mais malgré tout fragilité réelle, si l’opinion commence à vaciller… Lire la suite.