Tribune
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Publié le 5 Juillet 2013

Al-Sissi plus que jamais garant de la stabilité en Égypte

Par Georges Malbrunot

 

Fervent admirateur de Nasser, formé en Occident, il a été nommé par le président Morsi en août 2012, mais s'est clairement rangé du côté des contestataires.

 

Son épouse porterait le voile intégral des musulmanes pieuses. Lui-même a été nommé par le président islamiste Mohammed Morsi. Et pourtant, le général Abdel Fattah al-Sissi, à la tête d'une armée qui détient une fois de plus entre ses mains le sort de l'Égypte, est avant tout un homme du sérail. Un ancien patron des tout-puissants services de renseignements militaires, nationaliste et conservateur à la fois, surtout soucieux de préserver la stabilité de son pays et son alliance stratégique avec les États-Unis, principal bailleur de fonds de la troupe. «S'il avait été un tantinet islamiste comme l'ont affirmé certains au prétexte qu'il a été nommé par Morsi en août 2012, croyez-moi qu'il n'aurait pas pu accéder à son poste de patron du Conseil suprême des forces armées et de ministre de la Défense», observe un militaire français familier de l'Égypte, où la vigilance sur la pénétration islamiste au sein de l'armée reste une constante, au-delà des changements de pouvoir.

 

Malgré de rares apparitions publiques, le général al-Sissi a su clairement se ranger du côté des manifestants anti-Morsi. Une semaine avant les défilés contre le président islamiste, le ministre de la Défense jugeait du devoir des forces armées «d'intervenir pour empêcher l'Égypte de plonger dans un tunnel sombre de conflits» pour prévenir «l'effondrement des institutions de l'État». C'est son autre priorité: comment redorer l'image d'une armée, ternie par sa gestion controversée du pays, depuis la chute de Hosni Moubarak en février 2011 à l'élection de Mohammed Morsi en juin 2012, lorsque les Égyptiens scandaient: «À bas le régime militaire», en écho au slogan qui fit partir Moubarak du pouvoir. Âgé de 58 ans, ce père de quatre enfants a étudié dans une académie militaire britannique avant de rejoindre, comme de nombreux officiers égyptiens, l'École de guerre américaine en 2006.

 

Un défenseur de l'institution

 

Même s'il n'a pas participé aux guerres contre Israël en 1967 et 1973, le général al-Sissi reste un fervent admirateur de la période des officiers libres et de leur chef, Gamal Abdel Nasser. Il a commencé sa carrière dans l'infanterie, avant d'être attaché militaire en Arabie saoudite, commandant en chef de la zone nord d'Alexandrie, patron des Renseignements militaires, puis finalement le plus jeune membre du Conseil suprême des forces armées, l'arbitre des confrontations entre factions politiques. Sous son égide, l'armée est intervenue pour corriger les acquis de la révolution, même s'il surprit certains en ouvrant les portes des écoles militaires aux islamistes - ce qu'avaient banni les régimes antérieurs, farouchement hostiles aux intégristes. Sans s'adresser directement aux manifestants massés à travers le pays depuis quatre jours, le général al-Sissi fit envoyer au-dessus du Caire des hélicoptères militaires déployant le drapeau national. Un geste immédiatement salué par des slogans «l'armée et le peuple unis». Entre lui et les islamistes, le fossé s'est peu à peu creusé. Même si ce défenseur acharné de l'institution militaire - et de ses privilèges économiques - s'était attiré de sévères critiques de la part des jeunes révolutionnaires lorsqu'il soutint la troupe en reconnaissant que des tests de virginité avaient été pratiqués de force en avril 2011 sur dix-sept manifestantes arrêtées quelques semaines plus tôt sur une place Tahrir, en pleine révolution.