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Yasser Arafat a-t-il été empoisonné ? Le mauvais feuilleton entretenu depuis des mois a connu le mardi 27 novembre son épisode le plus macabre. Aux premières heures de l’aube, la sépulture de l’ancien chef terroriste a été ouverte en présence de trois magistrats français et d’une escouade d’experts scientifiques venus de France, de Suisse et de Russie. Les prélèvements effectués sur sa dépouille doivent permettre de déterminer si le père de la cause palestinienne est mort ou non d’empoisonnement. Tombé malade alors qu’il vivait reclus depuis des années dans son palais de la Mouqata, assiégé par les Israéliens, Yasser Arafat est mort le 11 novembre 2004 à l’hôpital militaire Percy de Clamart où il avait été transféré quelques jours plus tôt. Officiellement, les médecins militaires français ne sont jamais parvenus à élucider les causes de sa mort. Secret d’État ? Égards diplomatiques dus à un homme dans lequel la France avait placé certains espoirs ? Depuis huit ans, le diagnostic n’a jamais été établi. Le mystère, lui, a prospéré.
Les résultats des prélèvements ne seront pas connus avant trois mois
L’affaire a connu un rebondissement au printemps dernier lorsque la veuve d’Arafat a affirmé avoir fait expertiser les effets personnels de son mari par un laboratoire suisse qui y aurait décelé des traces de polonium, un poison radioactif utilisé par certains services secrets. C’est dans ces circonstances qu’une plainte contre X a été déposée cet été devant la justice française et que des magistrats ont donc pris la route de Ramallah où ils ont assisté mardi à l'exhumation, en présence du mufti Mohammad Hussein, la plus haute autorité islamique palestinienne. La vérité sortira-t-elle du tombeau d’Arafat ? On peut en douter. Depuis des années, la rue palestinienne est agitée de rumeurs aussi persistantes qu’invérifiables sur un complot israélien ayant entraîné la mort du vieux chef palestinien. Le président de la commission d’enquête palestinienne, Taoufiq Tiraoui s’est toujours dit « convaincu » qu'Israël était derrière la mort d’Arafat. «Si nous avons la preuve que Yasser Arafat a été empoisonné, nous irons devant la Cour pénale internationale. Ce sera le premier cas dont les Palestiniens saisiront la CPI après avoir obtenu le statut d'État observateur à l'ONU » a annoncé Taoufiq Tiraoui lors d’une conférence de presse qui s’est tenue à l’issue de l’exhumation.
Les Israéliens ont toujours démenti ces accusations d’un haussement d’épaule. À la fin de sa vie, Arafat était isolé, discrédité sur le plan international, Israël avait tout intérêt à ce qu’il demeure reclus dans son palais de la Mouqata. La veille de l’ouverture de la tombe, le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères Yigal Palmor a qualifié l’enquête conjointe franco-palestinienne de « mascarade ». L’exhumation du chef de l’OLP ne fait d’ailleurs pas l’unanimité à Ramallah et provoque même des tensions familiales. Le neveu d'Arafat, Nasser al-Qidwa, président de la Fondation Yasser Arafat, pourtant convaincu d'un complot israélien, s'est opposé jusqu’au dernier moment à l’ouverture de la sépulture, estimant que celle-ci n’apporterait aucun élément nouveau. Le pseudomystère sur la mort d’Arafat cacherait-il une sourde lutte de clans entre différentes factions palestiniennes se disputant l’héritage politique – et financier – du défunt leader ? C’est ce qui se murmure entre Ramallah et Paris. « Je pense que nous trouverons des traces d’empoisonnement, mais il n’est pas certain que la piste mène aux Israéliens… », confie énigmatique Pierre-Olivier Sur, l’avocat parisien de Souha Arafat. Les résultats des prélèvements ne seront pas connus avant trois mois. Mais d’ores et déjà, de nombreux spécialistes expriment des doutes sur la fiabilité des analyses, compte tenu de la vitesse de désintégration du polonium 210 et du temps écoulé. Le roman-feuilleton de la mort d’Arafat est loin d’être terminé.
Actualité Juive du 29 novembre 2012