Tribune
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Publié le 25 Janvier 2013

Combien nous coûterait vraiment la prise des stocks d'uranium du Niger par des groupes islamistes ?

 

Par Florent Detroy, journaliste, spécialiste des matières premières et des pays émergents.

 

Une des plus importantes mines d'uranium au monde, à Arlit, au Niger, n'est qu'à quelques centaines de kilomètres des djihadistes. La matière première est cruciale pour de nombreuses économies occidentales, dont la France pour le bon fonctionnement de ses 58 centrales nucléaires.

 

Si « la France n’a aucun intérêt au Mali », comme a jugé bon de souligner François Hollande après le lancement de l’opération armée française dans l’est du Mali, on peut tout de même voir dans l’opération française un moyen de protéger les intérêts français…dans les pays voisins. Car le Niger, qui partage avec le Mali une frontière de 841 kilomètres, est un pays vital pour la France.

 

Le Niger est le 4ème producteur d’uranium au monde, avec 8% de la production totale d’uranium. Surtout, c’est là qu’Areva y produit un tiers environ de son uranium, afin de fournir les 58 réacteurs nucléaires français. Stratégique, le Niger l’est sûrement, tant les incidents qui ont émaillé les activités du groupe depuis plusieurs années ne l’ont pas amené à quitter le pays.

 

Une première fois en 2008, un groupe d’insurgés prend en otage 4 employés de la compagnie, avant de les relâcher quelques jours plus tard. En 2010, le groupe islamiste AQMI enlève 7 otages, dont 5 Français, otages encore détenus à l’heure actuelle. Pourtant malgré ces enlèvements, Areva n’a pas déserté le pays. Mieux, le groupe français a recommencé l’année dernière à faire revenir lentement ses expatriés sur le site. Ce retour témoigne de l’extrême importance des richesses du Niger pour le groupe. Si Areva exploite actuellement 2 mines d’uranium au Niger, Somaïr et Cominak, le groupe s’accroche surtout au projet d’Imamouren.

 

Arraché de haute lutte aux groupes canadiens et chinois, Areva s’était alors réjoui d’avoir mis la main sur le 2ème plus important au monde. L’ambition d’Areva était de produire 5000 tonnes d’uranium par an à partir de 2012. L’enlèvement des employés d’Areva en 2010 a conduit le groupe à reporter son exploitation en 2014 puis 2015. Il peut sembler étonnant de voir la persévérance d’un groupe à rester dans un pays où il a subi déjà 2 problèmes majeurs, et où les groupes terroristes ont attaqué, après la prise d’otages sur le site d’In Amenas, 2 pays frontaliers. La raison est simple, les ressources en uranium sont rares.

 

Une pénurie d’uranium à venir

 

L’arrêt des mines du Niger serait catastrophique pour le groupe, et pour les Français. Depuis 1991, le marché de l’uranium est en déficit constant. Le tiers de la production manquante est assuré par le démantèlement de la production d’armes nucléaires russes, dans le cadre du programme Megatons to Megawatts.

 

Or, ce programme devrait arriver à expiration cette année. Pour s’assurer un approvisionnement constant en uranium, Areva a fait le choix d’être un acteur totalement intégré, de la mine jusqu’au retraitement du minerai. La perte de l’accès à 30% de son approvisionnement obligerait le groupe à se tourner vers les marchés internationaux pour s’approvisionner en minerai, et à dépendre des fluctuations des prix.

 

Il est probable qu’une telle démarche ferait progresser les prix de l’uranium, ce qui se répercuterait sur les prix du kWh en France. À 50$ la livre, le coût de l’uranium dans la production d’électricité représente 21%. À 100$ la livre, on passe directement à 34%, et à 44% à 150$. Actuellement autour de 42$, il faut se rappeler que les prix avaient atteint les 140$ la livre en 2007. Le risque d’un « choc uranium » du fait d’une internationalisation du conflit actuel au Mali n’est pas impossible. Reste à espérer que le Niger saura faire face à la menace militaire.