Tribune
|
Publié le 10 Avril 2013

Combien y a-t-il de Français en Corée du Nord?

 

Par Johan Hufnagel

 

Les diplomates européens se demandent s'ils doivent évacuer leurs personnels. La France, qui n'a pas d'ambassade à Pyongyang, n'envisage pas pour l'instant le départ des ressortissants français présents sur place malgré l'escalade verbale.

 

Dans sa langue toute diplomatique, le quai d’Orsay dit prendre la situation en Corée du Nord «au sérieux» et demande «instamment» à Pyongyang de «s'abstenir de toute nouvelle provocation». Il faut dire que le régime de Kim Jong Un les multiplie. Il vient d’installer un deuxième missile de moyenne portée sur sa côte Est, alimentant les craintes d'un tir imminent, et averti qu'elle ne pouvait plus garantir la sécurité des missions diplomatiques à Pyongyang à compter du 10 avril en cas de conflit. Allant jusqu’à suggérer aux diplomates présents sur place de quitter le pays.

 

La France, qui n’entretient pas de relations diplomatiques avec la Corée du Nord — un des derniers pays de l’UE dans cette situation, après un début de normalisation engagé en 2009  —, a annoncé vendredi dans un communiqué qu’il n'était pas «envisagé à ce stade d'évacuer le personnel du Bureau français de coopération (deux agents) ni les ressortissants français qui travaillent pour les organisations non gouvernementales et les agences de l'ONU sur place».

 

Combien sont-ils justement, ces quelques Français présents dans le pays le plus hermétique du monde?

 

Outre les deux «agents» — un «directeur» et un «attaché linguistique» chargés de coopérer en «matière de diffusion et de relation culturelle», l’essentiel de la présence française que le quai d’Orsay qualifie de «marginale» travaille pour des organisations humanitaires. Selon Jean-Yves Troy, le directeur des opérations de l’ONG Première Urgence -Aide Médicale internationale, une des deux ONG françaises présentes en Corée du Nord, «il y a au maximum une petite trentaine de Français présents en Corée du Nord».

 

Son organisation, par le jeu des rotations et des vacances, n’est actuellement représentée que par une seule personne. Une autre ONG française, Triangle, basée à Lyon, compterait une poignée de Français. Et Handicap International Belgique compte aussi des Français dans son équipe, tout comme les divisions de l’ONU présente sur place. «On doit aussi trouver quelques personnes privées», ajoute Jean-Yves Troy.

 

Actuellement, ces Français sont tous à Pyongyang. Comme les 150 à 200 membres de la communauté humanitaire internationale, les Français ont rencontré vendredi 5 avril 2013 un officiel nord-coréen, qui leur a expliqué le point de vue du régime. Il s’est «inquiété pour la sécurité des ONG si la situation venait à dégénérer», et « a demandé de faire connaître, avant le 10 avril, les éventuels besoins pour organiser une évacuation-relocalisation ».

 

Les membres des organisations humanitaires ne sont pas pour l’instant inquiets de l’augmentation de la tension. Habitués au chantage exercé par les leaders nord-coréens successifs, les rares observateurs présents sur place remarquent juste que ce qui change avec Kim Jong Un, c’est que la rhétorique ne comprend pas de retour en arrière en vue d’obtenir une contrepartie: livraison de pétrole, de nourriture, etc., comme c’était le cas sous Kim Jong Il.

 

Mais si les motifs d’inquiétude sont réels — un jeune dictateur inconnu qui essaie de se positionner notamment vis-à-vis des militaires, un Premier ministre vu comme un homme d’ouverture remplacé, une présidente sud-coréenne claire sur ses intentions en cas de dérapage, beaucoup d’observateurs misent sur une détente après la fin des manœuvres conjointes des forces américaines, japonaises et sud-coréennes fin avril.

 

La seule chose, dit-on, qui pourrait faire changer la position des ONG de rester, serait des menaces directes sur les étrangers et le sentiment que le travail des humanitaires — déplacements et circuits financiers bloqués— devient encore plus difficile.