Tribune
|
Publié le 17 Mars 2014

Finkielkraut: "Dieudonné a fait des ravages"

Interview d’Alain Finkielkraut publiée sur I24 News le 17 mars 2014

Le philosophe français Alain Finkielkraut a accordé une interview exclusive à i24news dimanche 16 mars 2014, dans les studios parisiens de la chaîne. Il s'est exprimé sur l'image d'Israël dans le monde, l'antisémitisme en France ainsi que sur la situation en Ukraine. "Israël doit faire des "concessions douloureuses", a confié l'écrivain à Jean-Charles Banoun, faisant référence aux négociations en cours entre l'État hébreu et les Palestiniens.

Analysant l'image d'Israël alors que le monde ne réagit pas lorsque le sud du pays est la cible de tirs de roquettes et que les dirigeants israéliens se considèrent comme étant victimes du "2 poids 2 mesures", Finkielkraut a estimé que si la voix de l'État d'Israël n'était pas entendue davantage au sein de la communauté internationale, c'est peut-être parce que l'État hébreu manque de courage politique.

"La position de l'État d'Israël serait plus forte si Israël était prêt, comme l'a fait Ariel Sharon, à des concessions douloureuses pour un compromis avec les Palestiniens", affirme le philosophe qui pense au "démantèlement unilatéral d'un certain nombre d'implantations". "Si ce mouvement existait, Israël serait mieux écouté", selon lui. "Israël doit se faire entendre, mais Israël ne prend pas tous les moyens pour ce faire", déplore Alain Finkielkraut.

Les Juifs sont les racistes des antiracistes

L'intellectuel aborde ensuite avec inquiétude la situation des Juifs et de l'antisémitisme en France. Son constat est clair: "la nouvelle langue de l'antisémitisme, c'est l'antiracisme", affirme-t-il. Il explique que ce sont les Juifs qui sont aujourd'hui pointés du doigt par les antiracistes, car ces derniers, manipulés par les mouvements radicaux, associent le sionisme au racisme.

"Les Juifs sont qualifiés de racistes et cela procède de l'identification du sionisme au racisme. On a le droit d'être antisioniste, on a le droit de penser que ce projet n'était pas légitime, je suis évidemment totalement hostile à une telle idée, elle a lieu d'être, mais là où l'antisionisme devient particulièrement pervers, c'est quand il dénonce Israël comme un État raciste", souligne-t-il. Et Finkielkraut donne alors l'exemple de la mésaventure qui lui est arrivée en venant aux studios parisiens d'i24news.

"J'arrive de Copenhague. À l'aéroport, je suis interpellé par un chauffeur de taxi, visiblement arabe, qui me traite de raciste. Je l'insulte à mon tour, car je suis très choqué. Il s'approche de moi en me disant: vous êtes raciste et je vous fais une quenelle", raconte le philosophe. "Il m'avait reconnu pour ce que j'étais et me faisait une quenelle parce que je suis juif".

Alain Finkielkraut analyse ainsi la situation après l'affaire Dieudonné qui, selon lui, "continue à faire des ravages et a laissé des traces", craignant que ce phénomène aille croissant parmi les jeunes "qui estiment qu'une atteinte a été portée à la liberté d'expression".

"La quenelle reste le signe de ralliement des antisémites d'aujourd'hui et ils se sentent d'autant plus légitimes que précisément ils peuvent, avec la quenelle, dénoncer ce qui leur apparaît comme le racisme des Juifs", souligne-t-il. Et de déplorer: "Il est donc très douloureux de constater que nous devons combattre l'antisémitisme comme une pathologie de l'antiracisme et non pas comme un racisme parmi d'autres". Selon lui, "la leçon de l'affaire Dieudonné c'est qu'une certaine France Black-Blanc-Beur a été cimentée par cet antisémitisme"… Lire la suite.