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Thomas Guénolé : Absolument pas. Dans le nord de la France, le FN ne profite d'aucune affinité avec l'UMP locale, il a, seul contre tous, une posture de parti antisystème. Le vote y est d'abord celui d'un électorat populaire. Dans le sud de la France, le FN peut jouer d'accords de coulisses avec l'UMP locale pour troquer une absence de liste contre une autre d'une ville à l'autre d'un département. La posture du FN est d'être une version radicale de l'UMP tout à fait admise dans le paysage politique, et le vote est d'abord surreprésenté chez les personnes âgées. Quelqu'un comme Steeve Briois et quelqu'un comme Gilbert Collard ne s'adressent donc pas du tout à la même clientèle électorale.
Peut-on parler de FN du Nord et de FN du Sud ? Qu’est-ce qui les différencie ? Les préoccupations des électeurs du Sud et du Nord sont-elles les mêmes ?
Oui, cette distinction est pertinente. Le FN du Nord est un parti ouvriériste, protectionniste, qui s'exprime d'abord sur les problématiques économiques et sociales. Il incarne surtout l'extrême droite souverainiste, et sa personnalité emblématique est Florian Philippot. Le FN du sud est un parti arabophobe, qui s'exprime d'abord sur les problématiques identitaires. Il incarne surtout l'extrême droite raciste, et sa personnalité emblématique est Jean-Marie Le Pen.
Diriez-vous que Marine Le Pen, candidate à Hénin-Beaumont, incarne le FN du Nord tandis que Jean-Marie Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen incarneraient le FN du Sud ?
Je dirais, avant toute autre chose, que oui, le FN est bien un parti d'extrême droite. Cela précisé, je dirais que Marine Le Pen règne sur le FN sans le gouverner et sans y incarner une branche de l'extrême droite en particulier : elle alterne d'un courant à l'autre. Jean-Marie Le Pen et Florian Philippot, eux, incarnent respectivement deux extrêmes droites bien distinctes : l'une est d'abord raciste sur des enjeux identitaires, l'autre est souverainiste sur des enjeux économiques et sociaux.
Ce clivage géographique peut-il devenir un véritable clivage idéologique au sein du parti ?
Derrière le clivage géographique, il y a surtout un arbitrage politique à faire au FN entre deux lignes, la ligne Le Pen père et la ligne Philippot.Cet arbitrage a déjà été fait pendant la campagne présidentielle de 2012 : après avoir tenté la ligne Philippot, Marine Le Pen s'est résolue à revenir à la ligne de son père, en passant d'un coup de la sortie de l'euro à la viande halal.
À lire également, de Thomas Guénolé : "Nicolas Sarkozy, chronique d'un retour impossible ?" (First éditions), 2013, 16,90 euros. Pour acheter ce livre, cliquez ici.