Tribune
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Publié le 7 Avril 2014

Gabrielle Perrier ou le regret de ne pas avoir été là

Reportage de Myriam Karsenty publié dans le Dauphiné Libéré le 6 avril 2014

L’histoire a retenu les noms et les prénoms des 44 enfants juifs raflés par la Gestapo à Izieu (Ain) le 6 avril 1944. Elle se souvient un peu moins de Gabrielle Perrier l’institutrice qui leur fit cours d’octobre 1943 à la veille de la rafle. Dominique Missika lui consacre un livre : “L’institutrice d’Izieu”.

Aujourd’hui, Izieu se souvient. Encore. C’est le 70e anniversaire de la rafle de la colonie des enfants juifs. Tant de fois, Gabrielle Perrier (épouse Tardy) est venue, elle aussi se recueillir. Tant de fois, sur son visage, discrète dans les rangs des présents, on a pu déceler que la douleur ne s’estompe pas dans le devoir de mémoire. Elle est décédée en 2010, emportant avec elle probablement tant de sentiments et de colère jamais exprimés. Parce que ce maudit 6 avril 1944, Gabrielle Perrier n’était pas à la maison d’Izieu. C’était le premier jour des vacances de Pâques. La veille, elle était rentrée chez ses parents à une vingtaine de kilomètres à Colomieu. Gabrielle Perrier a été l’institutrice des enfants d’Izieu. Nommée en octobre 1943 alors qu’elle n’a que 21 ans. La classe de la maison d’Izieu sera son premier poste.

Chargée de recueillir des témoignages pour la Fondation de la mémoire de la Shoah, Dominique Missika raconte sa rencontre avec Gabrielle Perrier : « C’était en 2005, lors de la commémoration annuelle de la rafle. Elle m’a répondu qu’elle ne souhaitait pas me parler et s’en est allée ». Cette présence, ce silence, cette réserve… Voilà résumée la personnalité de l’institutrice. Bien plus tard, au terme de trois années d’enquête, Dominique Missika, écrivain membre du comité scientifique du mémorial d’Izieu, vient d’écrire “L’Institutrice d’Izieu” : « Une enquête de mémoire et d’histoire pour restituer au plus près ce qu’a été sa vie ». « Elle a emporté avec elle une part du drame », certifie Dominique Missika. Elle ajoute : « Sa raison d’être était d’instruire les enfants. Leur disparition est un chagrin qu’elle a porté toute sa vie »… Lire la suite.