Tribune
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Publié le 10 Octobre 2012

Islamisme et antisémitisme en France

Editorial du Monde du 8 octobre 2012

 

Le week-end a confirmé une sinistre réalité : il existe en France des groupes déterminés à la violence contre les juifs. Il faut lire les événements de Strasbourg à l'aune de cette simple et cruelle évidence factuelle. Elle relève d'une actualité récurrente où la police enregistre çà et là une myriade d'agressions de rue : tirs sur la synagogue d'Argenteuil, gamins qui se font arracher leur kippa ou tabasser parce qu'ils en portent une.

Cette évidence cruelle surgit à la "une" de l'actualité dans des circonstances plus dramatiques. Quand, pour la première fois depuis la fin de la guerre, des enfants sont tués en France parce qu'ils sont juifs, avec les crimes perpétrés à Toulouse par Mohamed Merah il y a plus de six mois.

 

Quand une grenade est lancée en pleine journée dans une supérette casher de Sarcelles, dans la région parisienne, comme il y a deux semaines. Quand la police démantèle un réseau islamiste et le trouve en possession d'une liste de projets d'attaques contre des associations juives de France, comme ce samedi 6 octobre.

 

Cette violence n'est pas indiscriminée ; elle est bel et bien ciblée. Elle est commise au nom de l'islam, censé inspirer un combat islamiste, djihadiste, al-qaïdiste. Même si ses auteurs, en général convertis de fraîche date et baignant dans le banditisme, ignorent tout de l'islam.

 

Elle est souvent accompagnée d'un invraisemblable salmigondis idéologique où se mêlent des causes qui ne peuvent, à juste titre, laisser les musulmans de France insensibles : cela va du Proche-Orient à l'Afghanistan.

 

Mais, élément nouveau et terrifiant, cette violence emprunte aussi, sinon surtout, au vieil antisémitisme européen, celui qui avait cours en France à la fin du XIXe siècle. Elle véhicule sur les juifs tous les préjugés racistes de l'époque ; elle réhabilite théories du complot et archétypes les plus ignobles. C'est au nom de cet antisémitisme qu'Ilan Halimi a été enlevé puis torturé à mort par le "gang des barbares" en 2006.

 

Internet véhicule à plaisir ce renouveau antisémite sur une flopée de sites islamistes où la haine des juifs est au cœur d'un discours antioccidental.

 

Avant et plus encore après le drame de Toulouse, les responsables de la communauté juive avaient tiré le signal d'alarme. Sans être assez entendus, ils mettaient en garde contre la renaissance d'un antisémitisme virulent dans certains quartiers des villes françaises. La mort de Merah a été suivie d'une vague d'agressions contre les juifs.

 

Telle est la réalité, simple, crue – irréductible à telle ou telle explication géopolitique. C'est une réalité franco-française. Elle ne "résume" pas nos banlieues, mais elle est là. Elle occulte des initiatives admirables où juifs et musulmans luttent ensemble contre les dérives radicales.

 

L'islam de France ne manque pas de grandes voix pour combattre le racisme antijuif. Elles le font régulièrement, presque rituellement. Mais la prise de conscience doit être nationale : cette affaire-là nous concerne tous.

 

Lire aussi :

 

"L'antisémitisme des djihadistes français rappelle celui des années 30" (France Télévisions)

 

"L'islamisme radical est devenu mortifère" (La Vie)

 

 

Illustration : le chef présumé de la cellule de terroristes, Jérémie Louis-Sidney