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Barbare et quotidienne, la menace terroriste pose un véritable défi à notre démocratie puisque cette dernière doit se défendre sans se renier. Après le 11-Septembre, les Etats-Unis ont échoué dans la résolution de ce dilemme et ont adopté une législation d'exception. Notre pays, de son côté, a toujours veillé à une certaine tempérance et à la préservation d'un modèle original qui place le juge au cœur de la lutte antiterroriste. Ainsi, libertés fondamentales et efficacité de la lutte contre le terrorisme trouvent à se concilier.
La naturelle contrepartie de cette recherche d'équilibre réside dans la nécessaire adaptation du dispositif législatif aux mutations de la menace terroriste, devenue toujours plus paradoxale : parfois structurée comme les grands réseaux de criminalité organisée, elle cultive aussi l'action individuelle plus ou moins spontanée ; utilisant des moyens parfois très rudimentaires, elle sait également détourner les moyens technologiques les plus modernes pour échapper à la surveillance, propager ses messages de haine, préparer des attentats.
Ce nouveau projet de loi de lutte contre le terrorisme doit moderniser notre dispositif juridique et combler l'écart qui s'était creusé entre les moyens des magistrats et ceux des terroristes.
Il s'agit en premier lieu de la création de l'incrimination d' « entreprise individuelle » liée aux activités terroristes. Pareille modification du code pénal vise à lutter contre la menace individualisée et déconnectée des grands réseaux terroristes. Elle est ardemment souhaitée par les magistrats, dont le juge Trévidic qui a eu l'occasion de s'exprimer par voie de presse.
Rapporteur du projet de loi pour la commission des Lois de l'Assemblée nationale, j'ai apporté un soin particulier à la formulation retenue afin de s'assurer qu'il ne s'agit en aucun cas de pénaliser une intention, veillant notamment aux critères matériels retenus, cherchant à appréhender toutes les éventualités.
Une autre série de dispositions vise à moderniser les instruments d'enquête de la police judiciaire qui œuvre sous l'autorité des magistrats. Elle concerne principalement les activités terroristes informatiques qui ont connu un saut qualitatif et quantitatif considérable. Car à l'image de tous les criminels, les terroristes ont massivement investi le domaine informatique. En 2007, Ayman Al Zawahiri, alors nouveau chef d'Al Qaida, déclarait que ceux qui mènent le djihad médiatique sont des soldats anonymes de la cause au même titre que ceux qui combattent dans les zones de conflits.
Ils ont ainsi su détourner internet de sa vocation première en convertissant ce fabuleux média de communication en vecteur de leur haine (apologie du terrorisme, provocation à la commission d'attentats) et de recrutement. Par ce biais, ils ont révélé que l'Etat disposait de moyens très faibles (quasi inexistants) pour faire respecter un semblant d'ordre public sur un espace de moins en moins virtuel, de plus en plus social. Objet d'inquiétudes et de discussions, la mesure de blocage administratif de certains sites terroristes particulièrement dangereux soulève une vraie problématique philosophique que le Parlement devra contribuer à trancher. Déniera-t-on à l'Etat la capacité de protéger nos concitoyens contre l'abject parce que c'est Internet ? Quel serait ce paradoxe où l'Etat est capable d'interdire un spectacle ou une manifestation mais ne serait pas capable de faire supprimer une vidéo de décapitation ? Il me semble donc capital de concilier là encore les libertés fondamentales numériques et la recherche d'une plus grande protection des internautes, premières victimes des détournements et abus d'internet