Tribune
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Publié le 18 Décembre 2013

Marine Le Pen et les visages de l’extrême droite

Par Michel Winock, historien

 

La présidente du Front national a feint de s’émouvoir d’être classée à l’extrême droite et menace les journalistes qui osent user de cette étiquette « infamante ». Ainsi se poursuit cette « dédiabolisation » que la fille du diable a entreprise depuis son avènement à la tête du FN. Mais n’est-elle pas elle-même une démone déguisée en rosière ?

À vrai dire, le qualificatif d’« extrême droite » n’a rien de scientifique ; il se réfère à des personnalités, des mouvements, des programmes qui, pour avoir un air de famille, n’en sont pas moins différents. En rappeler la succession en France n’est peut-être pas inutile.

 

Les termes de « droite » et de « gauche » en politique sont nés, on le sait, sous la révolution de 1789. Cette année-là, tandis que la droite était favorable à une monarchie constitutionnelle, une première extrême droite prêchait la contre-révolution. Talons rouges, émigrés de Coblence, exécutants de la Terreur blanche après les Cent Jours de Napoléon, ils ont vu le régime de leurs souhaits - celui de Charles X - balayé par la révolution de 1830.

 

La deuxième couche nettement repérable de l’extrême droite date de la fin du XIXe siècle, dans les années de l’affaire Dreyfus. Il s’agit de la mouvance nationaliste (le mot s’est répandu dans les années 1890), antidreyfusarde, antisémite et xénophobe. Pendant un certain temps, Maurice Barrès en a été le chantre littéraire. Son cadet, Charles Maurras, s’est efforcé de greffer le nationalisme sur le royalisme en devenant le doctrinaire de l’Action française. Cette extrême droite nationaliste n’a jamais eu d’unité ; elle se manifestait dans diverses ligues, qui connurent une réactivation dans les années 1930 sans jamais parvenir à accéder au pouvoir… Lire la suite.