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Six mois plus tard, Moché Lewin, 46 ans, père de trois filles, rabbin du Raincy en région parisienne, se voit propulsé au premier plan. Il a été nommé cet été directeur exécutif de la Conférence des rabbins européens (CER), un réseau de 600 rabbins dont le Président est le grand rabbin de Moscou, Pinchas Goldschmidt. Il est surtout le premier Français à occuper ce poste important pour le judaïsme mondial. L'organisation, fondée en 1956, à Londres, pourrait même voir, dans un avenir proche, ses bureaux s'installer à Paris. Ce qui serait un signe de reconnaissance du dynamisme du judaïsme français.
Mais à peine ce natif de Strasbourg entre-t-il sur la grande scène que le judaïsme européen se trouve confronté à un étonnant défi. Le 2 octobre, l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) a massivement voté une résolution définissant la «circoncision des garçons pour motifs religieux», également pratiquée dans l'islam, comme une «violation de l'intégrité physique des enfants». Plus étrange - et c'est sans doute la clé de ce scrutin - le texte de la résolution mettait sur le même plan circoncision et excision des filles!
Humble et fin diplomate
D'autant, précise encore le rabbin Lewin, qui a suivi sa formation fondamentale au célèbre collège talmudique Gateshead en Angleterre, puis au séminaire israélite de France, qu'aucun problème n'est à déplorer dans la pratique des circoncisions. Les «mohalims», chargés de cet acte, et qui peuvent aussi être rabbins, sont tout spécialement formés. Avant de trouver une réponse européenneà cette question, le Rabbin Lewin travaille donc à «mieux expliquer» les enjeux de la circoncision aux députés européens en leur démontrant que ce n'est «pas une mutilation» et qu'elle est pratiquée dans des conditions d'hygiène et d'anesthésie irréprochables. Moché Lewin a organisé cette semaine, à Paris, une réunion européenne de rabbins avec le consistoire central autour de cette actualité. La question de l'abattage rituel y a également été abordée, avec le lancement d'un chantier d'envergure: l'adoption d'un logo unique et reconnu sur tout le continent, pour authentifier l'alimentation casher dans les circuits de grande distribution.
Voilà donc un pragmatique au service des rabbins européens. La devise de cet humble qui doit sa vocation à l'ancien grand rabbin de Strasbourg, Abraham Deutsch, n'est-elle pas: «Avant de faire mieux, faisons bien.» Fin diplomate, excellent organisateur, celui qui est aussi aumônier israélite de la gendarmerie française, diplômé de l'Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN) et du Centre des hautes études de l'armement (CHEAR), s'est également distingué dans le dialogue interreligieux en étant l'un des inspirateurs et fondateurs de la Conférence des responsables de cultes en France (CRCF).
Se considérant plus comme un «coordinateur des judaïsmes» à l'échelle du Vieux Continent que comme un «super-lobbyiste», c'est en tout cas à visage découvert que ce rabbin veut travailler à une «conscience européenne du judaïsme».