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Victimes de la barbarie nazie, 642 personnes sont mortes à Oradour-sur-Glane. Robert Hébras fait partie des six rescapés. Sa mère et ses soeurs n'ont pas eu cette chance. À l'occasion des célébrations du 70e anniversaire du massacre d'Oradour-sur-Glane, il a accepté de répondre aux questions du Point.
Le Point.fr : Avec les commémorations du Débarquement et du massacre d'Oradour, pensez-vous que l'on rend suffisamment hommage aux hommes qui ont fait ou qui ont subi la guerre ?
Robert Hébras : On leur rend hommage comme il faut. À Oradour, c'est nous qui, après le procès de Bordeaux (où sont jugés en 1953 vingt et un accusés du massacre), avions refusé la présence de l'État. Pendant des années, il y a eu une coupure. Mais c'est du passé, tout ça. Aujourd'hui, l'État fait ce qu'il doit faire en Normandie, à Oradour et partout où cela doit être fait…
Il semblerait que les SS qui ont perpétré le massacre d'Oradour savaient pertinemment que les victimes n'étaient pas des résistants. Pourquoi, selon vous, ont-ils commis ces atrocités ?
C'était sans doute un acte pour terroriser les populations. Mais toute ma vie, j'ai eu cette question : pourquoi Oradour ? Au final, si ça n'avait pas été Oradour, cela aurait été un autre village, je pense.
Sur les 130 hommes qui composaient la division SS en charge des massacres à Oradour, presque tous ont été identifiés, sauf une quinzaine. Pourquoi n'ont-ils pas été condamnés et leurs peines appliquées ?
Je suis déçu qu'on ne les ait pas cherchés plus tôt. Je ne comprends pas. Vous savez, j'ai survécu au drame, le reste, ce n'est pas de mes compétences.
Vous avez toujours vécu à Oradour ou dans un périmètre de dix kilomètres. Vous n'avez jamais voulu partir ?
Non, mais c'est pour le travail que je suis resté, car c'est ici que j'ai réussi. Mon métier me plaisait, j'étais satisfait. Je ne suis pas resté pour rester. Pour moi, il y a mon histoire et il y a ma vie professionnelle. Ce sont deux choses bien différentes ! J'ai bien séparé les choses. Vous savez, peu importe ce qui arrive, il faut continuer à vivre ! Dans mon travail, je n'ai jamais parlé d'Oradour. Sans les médias, personne ne saurait dans mon entourage professionnel que je suis un survivant.
Comment survit-on à un tel traumatisme ?
On n'a pas le choix ! Ou on repart dans la vie, on se fait honneur dans la vie, ou on se supprime. Il n'y a pas d'alternative. C'est continuer ou arrêter définitivement… Lire l’intégralité.
Le 12 janvier 1953 s'ouvre le procès de Bordeaux, au cours duquel 21 accusés du massacre d'Oradour sont jugés. Les survivants, dont Robert Hébras, sont entendus comme simples témoins et non pas comme victimes, ce qui provoque leur frustration et leur déception. Le mois suivant, l'adoption de la loi d'amnistie rendra caduques la majorité des condamnations attribuées à Bordeaux dans un souci d'unité nationale, la participation de 14 Alsaciens au massacre ayant été mise sur le compte de l'embrigadement de force (un seul reconnaîtra s'être volontairement engagé dans les SS). Au final, aucune des condamnations ne sera mise à exécution. Cela vaut aussi pour les 7 Allemands inculpés. Furieux, les habitants d'Oradour décident dès lors de "boycotter" l'État français.