Tribune
|
Publié le 14 Février 2014

Proche-Orient : Kerry fait du bon travail

Tribune d’Alain Frachon publiée dans le Monde le 13 février 2014

 

Commençons par le dur. L’environnement stratégique d’Israël change. Il est instable et dangereux, disent les proches du Premier Ministre Benjamin Netanyahu. Avec un monde arabe dans la tourmente, l’horizon sécuritaire du pays est brouillé – durablement.

Au nord, le parti libanais Hezbollah, ennemi acharné d’Israël, est militairement plus musclé que jamais. Engagé en Syrie, sur ordre de l’Iran, pour défendre le régime de Bachar Al-Assad, le « parti de Dieu » s’y révèle une force aguerrie et bien entraînée. Au nord-ouest, le long du plateau du Golan, le front syrien, paisible depuis 1973, ne l’est plus. Venus se battre aux côtés de la rébellion syrienne, des groupes djihadistes surarmés sont installés à quelques mètres de la ligne de démarcation avec Israël. À vol d’oiseau, ils sont à moins de 200 kilomètres de Jérusalem.

 

Plus au sud, la Jordanie voit son grand voisin de l’est, l’Irak, déchiré par une guerre civile où les djihadistes, là aussi, s’imposent comme une force montante. Le royaume hachémite lui-même est secoué par des centaines de milliers de réfugiés syriens. Un voyant rouge s’est allumé sur le tableau de bord de Tsahal : le front oriental d’Israël est incertain.

 

Plus au sud encore, sur la frontière avec l’Égypte, le Sinaï est en voie d’« afghanistanisation » avancée. Le Caire peine à contrôler des bandes de Bédouins passés du côté d’Al-Qaida et équipés en armes sophistiquées, notamment des missiles sol-air, venus de la vente en gros de l’arsenal du Libyen Kadhafi.

 

Bilan global : le « djihad mondialisé » se rapproche d’Israël. Dans les milieux de la majorité gouvernementale, à Jérusalem, nombre de responsables en tirent une conclusion : ce n’est pas le moment de prendre des risques sur les deux autres « frontières », là où la sécurité est à peu près assurée – avec Gaza et avec la Cisjordanie. Après tout, entre Israéliens et Palestiniens, la violence est à un niveau historiquement faible.

 

Et de cet ensemble de considérations, les mêmes milieux tirent une deuxième conclusion : le vrai danger vient des États-Unis ! De l’allié américain. Car à Washington, un secrétaire d’État courageux et obstiné, John Kerry, veut, lui, faire bouger les choses sur le front israélo-palestinien. Même s’il s’agit d’un affrontement de « basse intensité », bien moins destructeur que ceux qui ravagent le Proche-Orient, ce conflit-là a une portée symbolique de « haute intensité »… Lire la suite.