Tribune
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Publié le 13 Février 2013

Quand le monde finira-t-il par agir?

 

Par Ronen Bergman

 

L’Occident, paralysé par des systèmes de règlementations et d’intérêts croisés, est dans l’impossibilité d’intervenir pour mettre fin aux atrocités.

 

À en juger par la réaction de l’Ambassadeur iranien à l’AIEA, Ali Ashgar Soltanieh, face au discours de Joe Biden, lors de la Conférence sur la Sécurité à Munich, l’Iran ne prend nullement au sérieux les menaces proférées par les États-Unis.

 

Samedi, alors que le Vice-Président Joe Biden traitait de la crise iranienne et répétait, sur un ton agressif dans la voix, que l’Administration Obama ferait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher l’Iran d’obtenir des armes atomiques, le plus haut représentant diplomatique du régime des ayatollahs, présent à cette conférence, sombrait dans un profond assoupissement. L’homme assis directement à côté de Soltanieh a aimablement tenté de le réveiller, probablement pour lui dire que Biden parlait de lui, mais Soltanieh s’est contenté de bouger légèrement la main, et a semblé momentanément reprendre conscience avant de fermer à nouveau les yeux.

 

L’objectif principal de la Conférence sur la sécurité de Munich, le forum le plus important sur les sujets de sécurité et de relations internationales, fondé il y a 49 ans, était de tirer un enseignement des leçons de l’histoire. Le battement de paupière de Soltanieh peut être considéré, jusqu’à un certain point, comme une forme d’allégorie du problème dans son entier : les pays éclairés du monde libre veulent effectivement en faire un lieu d’échange plus probant, et font de véritables efforts en ce sens ; mais, même dans la période post-soviétique, après toutes les atrocités, divers génocides et crimes de guerre avérés, et après que plusieurs pays ont acquis ou sont sur le point d’acquérir des armes nucléaires, par toute sorte de stratagèmes, à l’ère du village global et des réseaux sociaux – ils restent toujours dans l’impossibilité de sauver le monde. L’occident est freiné par une série de législations, de systèmes d’organisation et d’intérêts qui l’empêchent d’agir dans la plupart des cas, ou qui ne lui permettent d’agir uniquement que lorsqu'il est déjà trop tard.

 

La Conférence s’est concentrée sur la question la plus difficile d'entre toutes : quand est-ce que la communauté internationale est autorisée à intervenir dans les affaires intérieures d’un pays particulier? À quel moment le franchissement d’une ligne rouge justifie-t-il d’une frappe américaine contre l’Iran ? La toute récente intervention militaire française au Sahara était-elle justifiée et prudente ? Israël est-il autorisé à empêcher la Syrie de faire parvenir des cargaisons d’armes au Hezbollah ? Et, plus important encore, quand est-ce que la communauté internationale interviendra, en définitive, dans la guerre civile syrienne ?

 

Certains dossiers, tels que la crise nucléaire iranienne et les cargaisons d’armes au Hezbollah, sont problématiques et déclenchent des controverses. Mais, même dans ces instances, où apparaît un consensus sur la nécessité d’une intervention par la force pour le salut de la paix mondiale, aucune action n’est arrêtée. Au cours de la Conférence, les représentants français ont exposé des informations obtenues par les renseignements, captées en temps réel, qui montraient des convois d’Al Qaeda, en route pour prendre le contrôle des bases du régime au Mali. Les forces d’intervention spéciales de l’Union européenne ont été, tout spécialement, mises en place pour gérer ce type de situations, mais elles n’ont pu être activées, du fait de l’opposition de certains États membres. Des responsables allemands de tout premier plan ont affirmé qu’ils ne justifieraient, en aucun cas, l’utilisation de la force, à moins que cela ne serve directement des intérêts allemands et européens (soit : directement sur le sol de l’Europe).

 

Tout comme concernant la tragédie syrienne, il apparaît que même l’Allemagne – qui, du fait de son passé, éprouve, presque automatiquement, des réserves au sujet de quelque action militaire que ce soit (le ministre des Affaires étrangères Westerwelle a réitéré l’objection de son pays, concernant toute opération militaire en Iran) – a approuvé l’intervention armée ; mais les États-Unis, qui souhaitent éviter un conflit militaire féroce contre l’armée d’Assad et redoutent comme la peste une hausse des tensions diplomatiques avec la Russie, ont préféré s’abstenir d’agir. Le ministre russe des Affaires étrangères a averti, samedi, du fait que : « Nous devrions éviter toute intervention par la force, sans un mandat du Conseil de Sécurité de l’ONU (qui subit, à chaque fois, le véto de la Russie).

 

Le Vice-Président Biden s’est vanté, lors de cette conférence, d’avoir récemment ordonné à l’Administration américaine d’ajouter une somme de 50 millions supplémentaires au budget de l’aide humanitaire destinée aux réfugiés syriens ; mais étant donnée l’ampleur de leurs besoins, cela n’a l’air de rien de plus qu’une goutte d’eau dans la mer ou un jeton dérisoire pour le petit personnel.

                                                                                                                     

Au cours du génocide au Rwanda, la moyenne quotidienne des pertes humaines était plus haute que durant la Shoah dont les Juifs ont été victimes. Des années plus tard, les États unis ont, finalement, présenté leurs excuses au peuple du Rwanda pour avoir fermé les yeux et refusé d’intervenir. Les Américains peuvent, d’ores et déjà, commencer à rédiger les excuses qu’ils fourniront aux citoyens de Syrie, dans une décennie ou deux.

 

Adaptation : Marc Brzustowski

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