Tribune
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Publié le 7 Mars 2013

Stéphane Hessel: le vieil homme et l'angoisse de l'avenir

 

Par Ilan Scialom

 

Je me suis rendu hier à une cérémonie en hommage à Stéphane Hessel sur la place Gambetta dans le 20e arrondissement de Paris. Curieux de voir qui y participerait et surtout en quels termes serait dépeint l'inspirateur des Indignés.

 

Une phrase prononcée par l'un des orateurs m'a particulièrement marqué. En substance, il disait "Stéphane Hessel était notre phare dans la nuit. À présent qu'il n'est plus, vers qui vais je dire à mes enfants de se tourner?".

 

Cette phrase résume, à mon sens, tout ce que cet homme fut pour cette France en crise qui ne sait plus vers à qui se vouer. Ce "vers qui" si inquiétant lorsque la confiance disparaît.

 

Car c'est bien de cela qu'il s'agit: Stéphane Hessel fut le catalyseur des angoisses les plus profondes, de la crainte de l'avenir.

 

Pour une France qui se cherche, subit un monde globalisé et interdépendant au lieu d'en faire une chance et qui est touchée durement par une crise économique et sociale qui effrite notre vivre ensemble, l'auteur d' "Indignez-vous" représente ce guide qui rassure, ce vieil homme qui a déjà bravé la tempête aux heures les plus sombres de notre histoire. Il est l'archétype du héros, celui que l'on plébiscite lorsque l'espoir ne tient plus à rien.

 

Stéphane Hessel s'est mû, sans qu'il le voulut lui-même, en homme providentiel au moment où les Français en avaient le plus besoin.

 

En d'autres temps, souvenons-nous, la France avait déjà fait appel à un homme, un héros de Verdun, qui les rassurait face à la montée des périls. On se souvient de la suite.

 

Comparaison n'est pas raison, mais je ne peux m'empêcher d'établir un parallèle entre ces deux situations: faire appel à des hommes du passé pour penser l'avenir.

 

Si Verdun fut le symbole étalon auquel se référait la France d'avant-guerre, la Résistance à l'envahisseur, est celui auquel nous nous identifions encore aujourd'hui.

 

Hessel a incarné ce moment de notre histoire pour cette France qui hésite et, par là, il est devenu une autorité morale qui s'indigne.

 

Est-ce là la seule source d'inspiration que nous ayons trouvée pour penser la France en crise et imaginer comment l'en sortir? Est-il notre seul modèle?

 

J'ose espérer que non. Car l'indignation d'Hessel, posture prônée et revendiquée, passive et commode, aux effets thaumaturges évidents, dissimule un danger bien plus grand: celui de la fuite en avant et du refus d'affronter un monde qui change.