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"Le plus pénible, c'est cet entre-deux, ne pas savoir à quelle sauce tu vas être mangé", explique Haïm Halévy, habitué à être mobilisé à chaque fois que la frontière nord d'Israël est placée en état d'alerte. Autant dire que pour lui, comme pour le reste des Israéliens, les jours à venir et les fêtes juives de Rosh Hashana, qui débutent mercredi soir, risquent fort d'être placés sous le signe de l'attente.
Depuis le début de la polémique sur l'utilisation des armes chimiques par les troupes de Bachar al-Assad et les atermoiements de la communauté internationale sur l'opportunité d'une riposte, Israël s'inquiète de se retrouver entraîné dans le conflit. Il est vrai que Damas, l'Iran et le Hezbollah multiplient les déclarations pour annoncer qu'en cas de frappes américaines, c'est Tel-Aviv qui sera "rayée de la carte" par une pluie de missiles.
"En cas de danger, Israël ne pourra compter que sur lui-même"
Face à ces menaces, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou continue d'afficher une sérénité de façade. "Israël est pacifique et confiant en lui-même. Nos concitoyens savent que nous sommes préparés pour n'importe quel scénario. Nos ennemis ont de bonnes raisons de ne pas nous tester. Et eux aussi savent pourquoi", a-t-il ainsi déclaré, sibyllin, dimanche matin, pour sa première réaction publique après le délai annoncé par la Maison-Blanche.
Une décision américaine perçue comme une reculade par l'opinion publique israélienne toujours suspicieuse vis-à-vis de Barack Obama. "Les Américains, qui ne cessent de nous expliquer qu'il faut les laisser régler la menace iranienne, viennent de se tirer une balle dans le pied", confie un haut responsable du ministère des Affaires étrangères. "Ce qui est en train de se passer nous montre qu'en cas de danger, Israël ne pourra compter que sur lui-même."
L'ambiance de business as usual que tentent d'insuffler les autorités israéliennes n'empêche cependant pas que Tsahal soit toujours placé en état d'alerte maximum et que les réservistes déjà mobilisés n'ont toujours pas été renvoyés chez eux. Et pour ceux qui en douteraient, le déploiement de batteries de missiles anti-missiles Iron Dome en bordure des grandes agglomérations rappelle que la menace d'embrasement de la région est prise très au sérieux par Jérusalem.
Samedi, l'installation de l'une de ces batteries dans un parc de Ramat Gan, la grande ville qui jouxte Tel-Aviv, était d'ailleurs l'attraction du jour, attirant des dizaines de badauds venus observer l'engin censé les protéger contre d'éventuels missiles. De quoi tromper l'ennui des jeunes soldats de garde, assommés de chaleur, qui se sont retrouvés noyés sous les jus de fruits, gâteaux et même sushis apportés par des voisins compatissants.
État déplorable d'une partie des abris anti-bombes
Entré en service avec un certain succès lors de l'opération Colonne de fumée contre Gaza en novembre dernier, le système Iron Dome est devenu un élément indispensable de la stratégie israélienne : certain de sa supériorité militaire, l'État hébreu n'ignore pas que la protection des habitants des grands centres urbains, désormais systématiquement visée dans les périodes de conflit, est son talon d’Achille.
Pour s'en convaincre, il n'y avait qu'à observer la foule qui se pressait encore dimanche matin devant ce centre de distribution de masques à gaz de Ramat Aviv, un quartier cossu du nord de Tel-Aviv. Si l'ambiance n'était plus à la cohue des derniers jours, il fallait tout de même encore attendre plusieurs heures pour obtenir le précieux équipement. Echaudées par la vulnérabilité de l'arrière durant la Seconde Guerre du Liban de l'été 2006, les autorités israéliennes avaient juré qu'on ne les y reprendrait plus. Selon les chiffres officiels, 60% de la population, et jusqu'à 85% dans le centre du pays, sont désormais équipés d'un kit de protection contre les attaques chimiques. Ce qui n'a pas empêché les téléspectateurs israéliens - atterrés - de découvrir la désorganisation des procédures de distribution des masques à gaz et l'état déplorable d'une partie des abris anti-bombes.
Malgré la polémique, le gouvernement et l'armée continuent de refuser de mettre en place des moyens supplémentaires. Inutile disent-ils, de créer un sentiment de panique alors que les chances qu'Assad s'en prenne à Israël sont jugées "minimes". Ce qui ne les empêche pas de se préparer au pire.