Tribune
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Publié le 3 Avril 2014

Syrie, une guerre civile dans l’impasse

Tribune du colonel Jean-Louis Dufour publiée dans l’Economiste, édition n° 4246 du 2 avril 2014

En Syrie, la guerre n’en finit pas. Ni Bachar al Assad, soutenu par l’Iran, la Russie, le Hezbollah, ni l’Armée syrienne libre (ASL), appuyée par des groupes djihadistes, des pays du Golfe, les Occidentaux, ne parviennent à l’emporter. Aujourd’hui, les deux camps n’ont pas d’autre possibilité que de chercher une alternative à cette poursuite des combats et à la déstabilisation de la région.

Trois années de guerre inaboutie articulée en trois phases

La guerre a connu trois périodes. Dès la mi-2011, des Syriens manifestent contre Bachar. Brutalement réprimé, le mouvement évolue en une rébellion armée; puis celle-ci, nonobstant ses efforts et ses sacrifices, échoue à faire tomber l’adversaire. Enfin, l’été dernier, l’opposition se fracture, l’armée régulière, longtemps malmenée, reprend le dessus, l’impasse devient évidente.

Les manifestants du début sont devenus des insurgés. Des groupes de combattants agissent, localement d’abord, au plan régional ensuite. L’ASL est créée, ensemble de bataillons autonomes aux ordres de chefs révélés dans l’action. La guérilla se généralise. Les forces régulières, conçues pour une guerre classique, lourdes, peu mobiles, doivent intervenir partout et à tout instant. Elles n’y parviennent pas. Le régime choisit donc de faire effort sur quelques zones sensibles, palais, ministères, aéroports, bases… ce qui permet aux insurgés d’accumuler des gains territoriaux. A l’été 2012, les Occidentaux, croyant le régime sur le point de tomber, enthousiastes, financent les rebelles, les instruisent, les arment, même si l’essentiel de l’aide est fourni par les Etats arabes du Golfe.

Ce soutien ne suffit pas en dépit de nombreux islamistes accourus en Syrie rejoindre la rébellion. Très déterminés, ces hommes amènent avec eux des aptitudes, des moyens, une expertise que leur vaut une fréquente appartenance à des réseaux terroristes. Cette irruption d’extrémistes inquiète des Occidentaux soucieux de ne pas voir les armes livrées tomber en de mauvaises mains. Les Etats-Unis semblent plus indécis que jamais.

Leur inaction face à l’emploi de gaz de combat par l’armée syrienne le 21 août 2013 dans les faubourgs de Damas, est un coup porté à la rébellion. La Russie et l’Iran accroissent leur appui, des hommes du Hezbollah renforcent les unités de Bachar. Le pouvoir regagne du terrain. Mais cette situation difficile galvanise les extrémistes, bientôt rejoints par de nouveaux groupes, dont plusieurs relèveraient d’Al Qaïda. La guerre s’intensifie. Attaques et contre-attaques sont d’autant plus acharnées qu’aucune n’aboutit vraiment.

Cependant, la décision russe de soutenir la destruction des armes chimiques syriennes, tout comme la multiplication des groupes djihadistes et la révélation de leurs exactions, réduisent à néant toute velléité occidentale d’intervention. L’assistance apportée par certains Etats à la destruction des armes chimiques rend même au régime une certaine légitimité. Le CCG infléchit alors sa stratégie de façon à privilégier l’appui à une ASL désorientée, au détriment des groupes djihadistes. C’est au cours de ce même été 2013 qu’interviennent, et le réchauffement Iran-Etats-Unis, et la brouille Arabie saoudite-Qatar. Les troupes syriennes parviennent à couper des lignes d’approvisionnement rebelle; elles reprennent pied à Alep, Lattaquié, Deir el Zor.

Seul point positif, le rejet des éléments djihadistes, y compris par les Saoudiens, permet à l’ASL d’émerger comme la seule entité non extrémiste de l’insurrection, digne de recevoir l’aide occidentale et arabe… Lire la suite.